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Maktub
Paulo Coelho
PAULO COELHO Maktub TRADUIT DU PORTUGAIS
(BRÉSIL)
PAR FRANÇOISE
MARCHAND-SAUVAGNARGUES
Pour Nhá Chica,
Patricia Casé,
Edinho et Aitino Leite
Neto.
« Je te loue, Père, Seigneur du ciel
et de la
terre, d’avoir caché cela aux
sages et intelligents,
et de l’avoir
révélé aux
tout-petits. »
Luc, 10,21.
Note de l’auteur
Maktub n’est pas un recueil de conseils, mais un
échange d’expériences.
Ce livre est en grande partie composé des enseignements que
m’a prodigués mon maître au cours des onze longues années où nous nous sommes
fréquentés. D’autres textes sont des récits qui m’ont été rapportés par des
amis, ou des gens qui, bien que je ne les aie croisés qu’une fois, m’ont laissé
un message inoubliable. Enfin, on peut y retrouver la trace des livres que j’ai
lus, ainsi que les histoires qui, selon les termes du jésuite Anthony Mello,
appartiennent à l’héritage spirituel de l’humanité.
Maktub est né d’une proposition que m’a faite au
téléphone Alcino Leite Neto, directeur du cahier Illustrada de la Folha de
São Paulo. Je me trouvais alors aux Etats-Unis et je l’ai acceptée sans savoir
au préalable ce que j’allais écrire, mais le défi était stimulant et j’ai
décidé de le relever. Vivre, c’est courir des risques.
Voyant le travail que me donnait cette rubrique, je faillis
renoncer. En outre, comme je devais me rendre à l’étranger pour la promotion de
mes livres, cet effort quotidien devint une torture. Pourtant, les signes me
pressaient de continuer : une lettre de lecteur me parvenait, un ami
faisait un commentaire, un autre me montrait les pages découpées et rangées
dans son portefeuille.
Lentement, j’appris à écrire de façon objective et directe.
Je fus obligé de relire des textes dont j’avais toujours reporté une nouvelle
lecture, et le plaisir de ces retrouvailles fut immense. Je me mis à noter plus
soigneusement les propos de mon maître. Enfin, je trouvai peu à peu dans tout
ce qui se passait autour de moi une raison d’écrire Maktub, et cela m’enrichit
à tel point qu’aujourd’hui je ne regrette pas cette tâche quotidienne.
J’ai sélectionné, dans ce volume, des textes publiés dans la
Folha de São Paulo entre le 10 juin 1993 et le 11 juin 1994. Les pages
relatives au guerrier de la lumière n’en font pas partie, elles ont été
publiées dans le Manuel du guerrier de la lumière.
Dans la préface de l’un de ses livres, Anthony Mello
écrit : « Ma tâche a été simplement celle du tisserand ; je
ne peux m’attribuer les qualités du coton et du lin. »
Moi non plus.
Paulo Cœlho.
LE VOYAGEUR est
assis dans la forêt, un tas de notes sur les genoux, et il regarde l’humble
demeure qui se dresse devant lui. Il se souvient d’y être déjà venu avec des
amis. A l’époque, il avait simplement remarqué que le style de cette maison
s’apparentait à celui d’un architecte catalan ayant vécu très longtemps
auparavant, et qui n’avait probablement jamais mis les pieds dans cet endroit.
La maison se trouve près de Cabo Frio, dans l’Etat de Rio de Janeiro, et elle
est entièrement faite de débris de verre.
En 1899, son premier propriétaire, Gabriel, vit en rêve un
ange qui lui suggéra : « Construis une maison au moyen de
tessons. » Gabriel se mit à collectionner les carreaux brisés, les
assiettes, les bibelots et les bouteilles cassés. « Chaque morceau devient
beauté », disait-il de son ouvrage. Pendant quarante ans, les habitants du
voisinage affirmèrent que cet homme était fou, mais plus tard des touristes
découvrirent sa maison et en parlèrent autour d’eux. Gabriel devint un génie. Puis
la nouveauté passa, et il retourna à l’anonymat. Cependant, il continua de
construire. A l’âge de quatre-vingt-treize ans, il posa son dernier débris de
verre... et mourut.
Le voyageur allume une cigarette qu’il fume en silence. Il
ne pense plus aujourd’hui à la ressemblance qu’il avait décelée entre la maison
de Gabriel et l’architecture d’Antonio Gaudi. Il regarde les morceaux de verre
et songe à sa propre vie. Comme toute existence, elle est faite des fragments
de tout ce qui lui est arrivé. Cependant, à un certain moment, ces éléments ont
commencé à prendre forme.
Et le voyageur, voyant les papiers sur ses genoux, se
rappelle son passé. Il y a là des morceaux de sa vie : les situations
qu’il a vécues, des extraits de livres qu’il n’a pas oubliés, les enseignements
de son maître, des histoires que lui ont contées un jour ses amis. Il y a aussi
des réflexions sur son époque et sur les rêves de sa génération.
De même que Gabriel a vu en rêve un ange et a bâti la maison
qui se dresse maintenant devant ses yeux, le voyageur s’efforce de mettre en
ordre ses papiers pour comprendre sa propre construction spirituelle. Il se
souvient que, lorsqu’il était enfant, il a lu un livre de Malba Tahan intitulé Maktub,
et il pense : « Peut-être devrais-je faire la même chose. »
LE MAITRE
DIT :
« Lorsque nous sentons qu’est venue l’heure du
changement, nous nous repassons inconsciemment le film de tous les échecs que
nous avons connus jusque-là.
« Et, bien sûr, à mesure que nous vieillissons, la part
des moments difficiles l’emporte. Mais, en même temps, l’expérience nous a
donné les moyens de surmonter ces échecs et de trouver le chemin qui nous
permet d’aller plus loin. Il nous faut aussi insérer cette cassette-ci dans
notre magnétoscope mental.
« Si nous ne regardons que le film de nos échecs, nous
resterons paralysés. Si nous ne regardons que le film de notre expérience, nous
finirons par nous croire plus sages que nous ne le sommes en réalité.
« Nous avons besoin des deux cassettes. »
IMAGINEZ une
chenille. Elle passe la plus grande partie de son existence à regarder d’en bas
les oiseaux voler, et s’indigne de son propre destin et de sa forme. « Je
suis la plus méprisable des créatures, pense-t-elle, laide, répugnante,
condamnée à ramper sur la terre. »
Un jour, cependant, la Nature lui demande de tisser un
cocon. La voilà effrayée : jamais elle n’a tissé de cocon. Croyant être en
train de bâtir sa tombe, elle se prépare à mourir. Bien que malheureuse du sort
qui était le sien jusque-là, elle se plaint encore à Dieu : « Au
moment où je m’étais enfin habituée, Seigneur, vous me retirez le peu que je
possède ! » Désespérée, elle s’enferme dans son cocon et attend la
fin.
Quelques jours plus tard, elle constate qu’elle s’est
transformée en un superbe papillon. Elle peut voler dans le ciel et les hommes
l’admirent. Elle s’étonne du sens de la vie et des desseins de Dieu.
UN ETRANGER se
rendit au monastère de Sceta et demanda à rencontrer le père supérieur.
«Je veux rendre ma vie meilleure, déclara-t-il, mais je ne
peux m’empêcher d’avoir des pensées coupables. »
Le père supérieur remarqua que dehors le vent soufflait très
fort, et il dit au visiteur :
« Il fait très chaud ici. Pourriez-vous attraper un peu
de vent dehors et le faire entrer dans la pièce pour la rafraîchir ?
— C’est impossible.
— De la même manière, il est impossible de ne pas avoir
de pensées qui offensent Dieu, répondit l’abbé. Mais si vous savez dire non à
la tentation, elles ne vous feront aucun mal. »
LE MAITRE
DIT :
« Si vous avez une décision à prendre, il vaut mieux
aller de l’avant et supporter les conséquences de vos actes. On ne peut pas
savoir à l’avance quelles seront ces conséquences. Les arts divinatoires ont
été inventés pour aider les hommes, en aucun cas pour prévoir l’avenir. Ils
sont d’excellents conseillers mais de très mauvais prophètes. Dans la prière
que Jésus nous a enseignée, il est dit : « Que Ta Volonté soit
faite. » Lorsque cette volonté nous laisse entrevoir un problème,
elle propose aussi la solution.
« Si les arts divinatoires permettaient de prédire
l’avenir, tous les devins seraient riches, mariés et heureux. »
LE DISCIPLE s’approcha
de son maître : « Pendant des années, j’ai cherché l’illumination et
je sens que je suis sur le point de la rencontrer. Je veux savoir quelle est la
prochaine étape.
— Comment subvenez-vous à vos besoins ? demanda le
maître.
— Je n’ai pas encore appris à subvenir à mes besoins,
mon père et ma mère m’entretiennent. Mais ce n’est là qu’un détail.
— La prochaine étape consiste à regarder le soleil pendant
une demi-minute », répondit le maître.
Le disciple obéit.
Le maître lui demanda alors de décrire le champ qui les
entourait.
« Je ne le vois pas, l’éclat du soleil a troublé ma
vision.
— Un homme qui ne cherche que la lumière et se dérobe à
ses responsabilités ne rencontrera jamais l’illumination. Un homme qui garde
les yeux fixés sur le soleil finit par devenir aveugle », expliqua le
maître.
UN HOMME se
promenait dans une vallée des Pyrénées lorsqu’il rencontra un vieux berger. Il
lui proposa de partager son repas, puis il resta un long moment en sa
compagnie, et ils parlèrent de la vie.
L’homme affirmait que celui qui croyait en Dieu devait
reconnaître qu’il n’était pas libre, puisque Dieu gouvernait chacun de ses pas.
Alors, le berger l’entraîna jusqu’à un défilé où l’on
entendait très nettement les sons que renvoyait l’écho.
« La vie, ce sont ces parois, et le destin est le cri
que pousse chacun de nous, expliqua le berger. Tout ce que nous faisons est
porté jusqu’à Son cœur, et nous sera rendu de la même manière. »
« Dieu agit comme l’écho de nos actes. »
MAKTUB
signifie « c’est écrit ». Pour les Arabes, « c’est écrit »
n’est pas une bonne traduction, car, bien que tout soit déjà écrit, Dieu est
miséricordieux et Il n’use Son stylo et Son encre que pour nous venir en aide.
Le voyageur se trouve à New York. Il s’est réveillé
tardivement et, lorsqu’il sort de l’hôtel, il découvre que la police a embarqué
sa voiture. Il arrive en retard à son rendez-vous, le déjeuner se prolonge plus
que nécessaire, et il pense à l’amende qu’il va devoir payer, qui va lui coûter
une fortune.
Soudain, il songe au dollar qu’il a trouvé la veille. Il
imagine une relation surnaturelle entre ce billet et les événements de la
matinée. « Qui sait si je n’ai pas ramassé ce billet avant que celui à qui
il était destiné ne le trouve ? Peut-être ai-je enlevé ce dollar du chemin
d’une personne qui en avait besoin. Peut-être ai-je interféré dans ce qui était
écrit. »
Il éprouve le besoin de se débarrasser du billet. A cet
instant, il aperçoit un mendiant assis par terre et le lui tend.
«Un moment, s’exclama ce dernier. Je suis poète. Pour vous
remercier, je vais vous lire un poème.
— Alors, qu’il soit court, car je suis pressé »,
répond le voyageur. Le mendiant rétorque :
«Si vous êtes toujours en vie, c’est que vous n’êtes pas
encore arrivé là où vous deviez arriver. »
LE DISCIPLE dit
à son maître :
« J’ai passé une grande partie de la journée à penser à
des choses auxquelles je ne devrais pas penser, à désirer des choses que je ne devrais
pas désirer, à caresser des projets que je ne devrais pas caresser. »
Le maître proposa à son disciple une promenade dans la forêt
derrière chez lui. En chemin, il lui désigna du doigt une plante et lui demanda
s’il en connaissait le nom.
«La belladone, répondit le disciple. Elle peut tuer celui
qui en mange les feuilles.
— Mais elle ne peut pas tuer celui qui se contente de
l’observer, répliqua le maître. De même, les désirs négatifs ne peuvent vous
causer aucun mal si vous ne vous laissez pas séduire par eux. »
ENTRE LA FRANCE
et l’Espagne se dresse une chaîne de montagnes. Là-haut se trouve un village
nommé Argelès. Dans ce village passe un sentier qui mène à la vallée.
Tous les après-midi, un vieillard gravit et descend cette
pente. Lorsque le voyageur s’est rendu à Argelès pour la première fois, il ne
l’a pas remarqué. A sa seconde visite, il s’est aperçu qu’un homme croisait
sans cesse son chemin. Et, chaque fois qu’il se rendait dans ce village, il
notait de nouveaux détail – ses vêtements, son béret, sa canne, ses lunettes.
Aujourd’hui, lorsqu’il pense à ce village, il pense aussi au vieil homme, bien
que celui-ci ne le sache pas.
Le voyageur ne lui a parlé qu’en une occasion. Voulant
plaisanter, il lui a demandé : « Est-ce que Dieu vit dans ces belles
montagnes qui nous entourent ?
— Dieu vit, a répondu le vieux, là où on Le laisse
entrer. »
LE MAITRE
réunit un soir ses disciples et leur demanda d’allumer un grand feu autour
duquel ils pourraient s’asseoir et bavarder.
«Le chemin spirituel est à l’image du feu qui brûle devant
nous, dit-il. L’homme désireux de l’allumer doit s’accommoder des désagréments
de la fumée qui nous fait suffoquer et monter les larmes aux yeux. La
reconquête de la foi passe par là.
« Mais, une fois que le feu crépite, la fumée disparaît
et les flammes illuminent tout autour de nous, apportant la chaleur et la paix.
— Et si quelqu’un allumait le feu pour nous ?
demanda l’un des disciples. Et s’il nous permettait d’éviter la fumée ?
— Celui-là serait un faux maître. Il pourrait emporter
le feu là où il en aurait envie, ou l’éteindre à sa guise ; mais,
puisqu’il n’aurait appris à personne à l’allumer, il serait capable de laisser
tout le monde dans l’obscurité. »
UNE FEMME prit
ses trois enfants et décida d’aller vivre dans une petite ferme au fin fond du
Canada. Elle voulait se consacrer exclusivement à la contemplation spirituelle.
En moins d’un an, elle tomba amoureuse, se remaria, acquit
les techniques de méditation des saints, se battit afin de trouver une école
pour ses enfants, se fit des amis, se fit des ennemis, négligea de se soigner
les dents, eut un abcès, fit de l’auto-stop en pleine tempête de neige, apprit
à réparer sa voiture, à remettre en état les canalisations gelées, connut des
fins de mois difficiles, vécut des allocations de chômage, dormit sans
chauffage, rit sans raison, pleura de désespoir, construisit une chapelle, fit
des réparations dans sa maison, dont elle peignit les murs, donna des cours de
contemplation spirituelle.
« J’ai fini par comprendre qu’une vie de prière
n’implique pas l’isolement, dit-elle. L’amour de Dieu est si vaste qu’il a
besoin d’être partagé. »
« AU COMMENCEMENT
de votre chemin, vous trouverez une porte avec une inscription, dit le maître.
Revenez me dire quelle est cette phrase. »
Le disciple se livre corps et âme à sa quête. Et puis, un
jour, il voit la porte, et il retourne consulter son maître.
« Au commencement du chemin, il était écrit :
« ce n’est pas possible », lui annonce-t-il.
— Où était-ce écrit, sur un mur ou sur une porte ?
demande le maître.
— Sur une porte.
— Eh bien, posez la main sur la poignée et
ouvrez-la. »
Le disciple obéit. Comme l’inscription est peinte sur la
porte, elle pivote en même temps qu’elle. Lorsque la porte est entièrement
ouverte, le disciple ne parvient plus à distinguer la phrase – et il
avance.
LE MAITRE
DIT :
« Fermez les yeux. Il n’est même pas nécessaire de
fermer les yeux, il vous suffit d’imaginer la scène suivante : une bande
d’oiseaux en vol. Bon, maintenant dites-moi, combien d’oiseaux
voyez-vous : cinq ? onze ? dix-sept ?
« Quelle que soit la réponse – et il est toujours
difficile de donner le nombre exact –, une chose est évidente dans cette
petite expérience. Vous pouvez imaginer une bande d’oiseaux, mais leur nombre
échappe à votre contrôle. Pourtant, la scène était claire, définie, précise.
Quelque part se trouve la réponse à cette question.
« Qui a déterminé le nombre d’oiseaux devant apparaître
dans la scène imaginée ? Ce n’est pas vous. »
UN HOMME DECIDA
de rendre visite à un ermite qui vivait non loin du monastère de Sceta. Après
avoir marché interminablement dans le désert, il le trouva enfin.
«J’ai besoin de savoir quel est le premier pas que l’on doit
faire sur la voie de la spiritualité », lui dit-il.
L’ermite l’entraîna vers un puits et le pria d’y contempler
son reflet. L’homme obéit, mais l’ermite se mit à jeter des cailloux dans
l’eau, dont la surface trembla.
« Je ne pourrai pas voir mon visage tant que vous
jetterez des cailloux, remarqua l’homme.
— De même qu’il est impossible à un homme de voir son
visage dans des eaux troubles, il lui est impossible de chercher Dieu si sa
quête rend son esprit anxieux, dit le moine. Voilà le premier pas. »
IL Y EUT une
époque où le voyageur pratiquait la méditation bouddhiste zen. A un certain
moment de la séance, le maître allait chercher dans un coin du dojo
(l’endroit où les disciples se réunissaient) une baguette de bambou. Ceux des
élèves qui n’avaient pas réussi à se concentrer levaient la main. Le maître
s’approchait d’eux et leur donnait à chacun trois coups sur l’épaule.
La première fois qu’il assista à cette scène, le voyageur la
trouva absurde et digne du Moyen Age. Plus tard, il comprit que, très souvent,
il est nécessaire de déplacer sur le plan physique la douleur spirituelle afin
de percevoir le mal qu’elle cause. Sur le chemin de Saint-Jacques, il avait
appris un exercice qui consistait à enfoncer l’ongle de son index dans son
pouce chaque fois qu’une pensée lui faisait du mal.
On perçoit toujours trop tard les terribles conséquences des
pensées négatives. Cependant, si nous faisons en sorte que ces pensées se
manifestent sous la forme d’une douleur physique, nous comprenons mieux le mal
qu’elles nous causent. Alors nous parvenons à les éviter.
UN PATIENT âgé
de trente-deux ans alla consulter le thérapeute Richard Crowley :
« Je ne peux pas arrêter de sucer mon pouce, se
plaignit-il.
— Ne vous inquiétez pas, lui répondit Crowley.
Simplement, sucez un doigt différent chaque jour de la semaine. »
Le patient s’efforça de suivre ce conseil. Chaque fois qu’il
portait la main à sa bouche, il devait choisir consciemment le doigt qui, ce
jour-là, ferait l’objet de son attention. Avant que la semaine ne fût terminée,
il était guéri.
« Lorsqu’un vice devient une habitude, il est difficile
de le combattre, dit Richard Crowley. Mais quand il commence à exiger de nous
des attitudes nouvelles, des décisions, des choix, alors nous prenons
conscience du fait qu’il ne mérite pas autant d’efforts. »
DANS LA ROME
ANTIQUE, un groupe de magiciennes connues sous le nom de sibylles rédigea neuf
livres qui racontaient l’avenir de Rome. Puis elles les apportèrent à Tibère.
« Combien coûtent-ils ? demanda l’empereur.
— Cent pièces d’or », répondirent-elles.
Indigné, Tibère les chassa.
Les sibylles brûlèrent trois livres et revinrent trouver
l’empereur.
« Ils coûtent toujours cent pièces d’or », lui
dirent-elles.
Tibère refusa leur offre en riant : pourquoi
payerait-il le prix de neuf livres pour six ?
Les sibylles brûlèrent trois autres livres et revinrent voir
Tibère avec les trois derniers. « Le prix est toujours de cent pièces
d’or. »
Piqué par la curiosité, Tibère se résigna à payer, mais il
ne pouvait plus lire qu’une petite partie de l’avenir de son empire.
Le maître dit :
« Ne pas marchander lorsque l’occasion se présente,
cela fait partie de l’art de vivre. »
CES MOTS sont
de Rufus Jones :
« Construire de nouvelles tours de Babel sous prétexte
que je dois arriver jusqu’à Dieu ne m’intéresse pas. Ces tours sont
abominables. Certaines sont faites de ciment et de briques, d’autres de piles
de textes sacrés. Certaines ont été bâties sur de vieux rituels, et beaucoup
sont érigées sur les nouvelles preuves scientifiques de l’existence de Dieu.
«Toutes ces tours, qu’il nous faut escalader depuis leur
base sombre et solitaire, peuvent nous donner une vision de la terre, mais
elles ne nous conduisent pas au ciel.
« Tout cela pour parvenir encore et toujours à cette
vieille confusion des langues et des émotions !
« Les ponts qui mènent à Dieu sont la foi, l’amour, la
joie et la prière. »
DEUX RABBINS,
dans l’Allemagne nazie, font tout leur possible pour apporter aux juifs un peu
de réconfort spirituel. Pendant deux ans, bien que mourant de peur, ils
parviennent à tromper leurs persécuteurs et célèbrent des offices religieux
dans plusieurs communautés.
Finalement, les rabbins sont arrêtés. Terrifié à l’idée du
danger qui le menace, le premier ne cesse de prier. L’autre, au contraire,
passe ses journées à dormir.
« Pourquoi agissez-vous ainsi ? lui demande le
rabbin rempli de crainte.
— Pour ménager mes forces. Je sais que dorénavant je
vais en avoir besoin.
— Mais n’avez-vous pas peur ? Ne savez-vous pas ce
qui nous guette ?
— J’ai eu peur jusqu’au moment de notre arrestation.
Maintenant que je suis prisonnier, à quoi bon redouter ce qui est déjà
passé ? Le temps de la peur est terminé ; à présent commence le temps
de l’espoir. »
LE MAITRE
DIT :
«Volonté. Voilà un mot dont on devrait se méfier pendant
quelque temps. Quelles sont les choses que nous ne faisons pas parce que nous
n’en avons pas la volonté, et quelles sont celles que nous ne faisons pas parce
qu’elles comportent un risque ?
« Voici un exemple de ce que nous prenons pour un
« manque de volonté » : parler avec des inconnus. Qu’il s’agisse
d’une conversation, d’un simple contact ou d’une confidence, nous parlons
rarement avec des inconnus. Et nous trouvons toujours que c’est mieux ainsi.
« Au bout du compte, nous ne venons en aide à personne
et nous ne sommes pas aidés par la vie.
« Notre distance nous fait paraître supérieurs et très
sûrs de nous. En réalité, nous ne permettons pas à la voix de notre ange de se
manifester par la bouche des autres. »
UN VIEIL ERMITE
fut un jour invité à se rendre à la cour du plus puissant roi de son temps.
« J’envie un saint homme qui se contente de si peu, lui
dit le roi.
— J’envie Votre Majesté qui se contente de moins que
moi, rétorqua l’ermite.
— Comment pouvez-vous dire cela, alors que tout ce pays
m’appartient ? s’exclama le roi, offensé.
— Précisément, répondit le vieil ermite. Moi, j’ai la
musique des sphères, j’ai les rivières et les montagnes du monde entier, j’ai
la lune et le soleil, parce que j’ai Dieu dans mon âme. Mais Votre Majesté n’a
que ce royaume. »
« ALLONS
JUSQU’A la montagne qui est la demeure de Dieu, suggéra un cavalier à son ami.
J’ai l’intention de prouver qu’il ne sait qu’exiger et ne fait rien pour
alléger notre fardeau.
— Eh bien, je vous accompagne pour démontrer ma
foi », répliqua l’autre.
Ils atteignirent le soir le sommet de la montagne, et ils
entendirent une Voix dans l’obscurité : « Chargez vos chevaux des
pierres qui jonchent le sol. »
« Vous voyez ? fit le premier cavalier. Après
l’ascension que nous venons de faire, Il veut encore alourdir notre
charge ! Jamais je n’obéirai. »
Le second cavalier obtempéra. Lorsque enfin ils arrivèrent
au pied de la montagne, l’aurore pointait, et les premiers rayons du soleil
illuminèrent les pierres du pieux cavalier : c’étaient les plus purs
diamants.
LE MAITRE
DIT :
« Les décisions de Dieu sont mystérieuses, mais elles
penchent toujours en notre faveur. »
Le maître dit :
« Mon cher, je dois vous annoncer une nouvelle que vous
ignorez peut-être encore. J’ai pensé à l’adoucir pour la rendre moins pénible
– la peindre de couleurs éclatantes, l’enjoliver de promesses de Paradis,
de visions de l’Absolu, d’explications ésotériques – mais, à supposer que
tout cela existe, cela ne résoudrait rien.
« Respirez profondément et préparez-vous. Je suis
obligé d’être franc et direct et, je puis vous l’assurer, j’ai l’absolue
certitude de ce que je vais dire. C’est une prévision infaillible, qui ne
laisse aucune place au doute.
« Voici donc la nouvelle : vous allez mourir.
« Peut-être demain, peut-être dans cinquante ans, mais,
tôt ou tard, vous mourrez. Même si vous n’êtes pas d’accord. Même si vous avez
d’autres projets.
« Alors réfléchissez bien à ce que vous allez faire
aujourd’hui. Et demain. Et le restant de vos jours. »
UN EXPLORATEUR
BLANC, pressé d’atteindre sa destination au cœur de l’Afrique, promit une prime
à ses porteurs indigènes s’ils acceptaient d’accélérer l’allure. Pendant
plusieurs jours, les porteurs pressèrent le pas.
Un après-midi, pourtant, ils refusèrent de continuer,
s’assirent tous par terre et posèrent leurs fardeaux. On aurait pu leur offrir
encore davantage d’argent, ils n’auraient pas bougé. Lorsque l’explorateur leur
demanda la raison de ce comportement, voici la réponse qu’il obtint :
« Nous avons marché si vite que nous ne savons plus ce
que nous faisons. Maintenant, nous devons attendre que nos âmes nous
rejoignent. »
NOTRE-DAME,
l’Enfant Jésus dans les bras, descendit sur terre pour visiter un monastère.
Très fiers, les moines se mirent en rang pour lui rendre hommage ; l’un
déclama des poèmes, un autre lui montra une bible enluminée, un autre récita
les noms des saints.
Au bout de la rangée se trouvait un humble moine qui n’avait
pas eu la chance d’étudier avec les sages de son temps. Ses parents étaient des
gens simples qui travaillaient dans un cirque. Lorsque son tour arriva, les
autres voulurent mettre fin aux hommages, de peur qu’il ne compromît l’image du
monastère. Mais lui aussi voulait montrer son amour pour la Vierge. Embarrassé,
et sentant le regard désapprobateur de ses frères, il tira de sa poche quelques
oranges et se mit à les lancer en l’air, jonglant comme ses parents le lui
avaient appris.
Alors seulement l’Enfant Jésus sourit, et il battit
joyeusement des mains. Et c’est vers ce moine que la Vierge tendit les bras,
c’est à lui qu’elle confia son fils un moment.
N’ESSAYEZ PAS d’être
toujours cohérent. Finalement, saint Paul n’a-t-il pas dit : « La
sagesse du monde est folie aux yeux de Dieu » ?
Etre cohérent, c’est porter toujours une cravate assortie à
ses chaussettes. C’est être obligé d’avoir demain les mêmes opinions
qu’aujourd’hui. Et le mouvement du monde ? Où est-il ?
Du moment que vous ne causez de tort à personne, vous pouvez
changer d’avis de temps en temps et vous contredire sans en éprouver de honte.
Vous en avez le droit. Peu importe ce que pensent les autres – parce
qu’ils vont penser, de toute façon.
Par conséquent détendez-vous. Laissez l’univers bouger
autour de vous, découvrez la joie de vous surprendre vous-même. «Dieu a choisi
les folies du monde pour faire honte aux sages », dit saint Paul.
LE MAITRE DIT :
« Aujourd’hui, il serait bon de faire quelque chose qui
sorte de l’ordinaire. Nous pourrions, par exemple, danser dans la rue en
partant au travail, regarder un inconnu droit dans les yeux et parler d’amour
au premier coup d’œil, suggérer à notre patron une idée apparemment ridicule
mais à laquelle nous croyons, acheter un instrument dont nous avons toujours
voulu jouer sans jamais oser. Les guerriers de la lumière s’autorisent des
journées de ce genre.
« Aujourd’hui, nous pouvons verser des larmes pour
quelques injustices qui nous sont restées en travers de la gorge. Nous allons
téléphoner à quelqu’un à qui nous avons juré de ne plus jamais parler (mais
dont nous adorerions trouver un message sur notre répondeur). Cette journée doit
se démarquer du scénario que nous écrivons chaque matin.
« Aujourd’hui, toutes les fautes seront permises et
pardonnées. Aujourd’hui est un jour à profiter de la vie. »
LE
MATHEMATICIEN Roger Penrose se promenait avec des amis en bavardant
allègrement. Ils ne se turent qu’un moment pour traverser la rue.
« Je me souviens que, tandis que je traversais, une
idée incroyable m’est venue, dit Penrose. Pourtant, dès que nous eûmes
traversé, nous avons repris notre discussion, et je n’ai pas réussi à retrouver
l’idée que j’avais eue quelques secondes plus tôt. »
A la fin de l’après-midi, Penrose commença à se sentir
euphorique, sans comprendre pourquoi. « J’avais la sensation qu’une chose
importante m’avait été révélée », dit-il. Il décida de récapituler chaque
minute de la journée et, lorsqu’il se rappela l’instant où il avait traversé la
chaussée, l’idée lui revint en mémoire. Cette fois il décida de l’écrire.
Il s’agissait de la théorie des trous noirs, une véritable
révolution dans la physique moderne. Et l’idée avait resurgi parce que Penrose
avait pu se souvenir que l’on garde toujours le silence lorsqu’on traverse la
rue.
SAINT ANTOINE vivait
dans le désert quand un jeune homme vint le trouver :
« Mon père, j’ai vendu tout ce que j’avais et je l’ai
donné aux pauvres. Je n’ai gardé que quelques objets qui pourraient m’aider à
survivre ici. J’aimerais que vous m’indiquiez le chemin du salut. »
Saint Antoine conseilla au garçon d’aller à la ville vendre
les rares objets qu’il avait conservés et, avec l’argent, d’acheter de la
viande. Sur le chemin du retour, il devait rapporter la viande attachée à son
corps.
Le garçon obéit, mais il fut attaqué en route par des chiens
et des faucons qui voulaient leur part de viande.
« Me voici de retour », annonça le garçon, montrant
sur son corps des traces de coups de griffes et ses vêtements arrachés.
« Ceux qui veulent franchir une étape tout en gardant
un peu de leur ancienne vie finissent lacérés par leur propre passé », dit
le saint pour tout commentaire.
LE MAITRE
DIT :
«Profitez aujourd’hui de toutes les grâces que Dieu vous a
accordées. On ne peut pas thésauriser une grâce. Il n’existe pas de banque où
l’on puisse déposer les grâces reçues pour en faire usage selon son bon
vouloir. Si vous ne profitez pas de ces bénédictions, elles seront
irrémédiablement perdues.
« Dieu sait que nous sommes des artistes de la vie. Un
jour Il nous donne de l’argile pour sculpter, un autre jour des pinceaux et une
toile, ou une plume pour écrire. Mais nous ne pourrons jamais utiliser l’argile
pour peindre les toiles, ni la plume pour réaliser des sculptures.
« A chaque jour son miracle. Acceptez les bénédictions,
travaillez et créez aujourd’hui vos petites œuvres d’art. Demain, vous en
recevrez de nouvelles. »
AU BORD de la
rivière Piedra se trouve un monastère entouré d’une végétation florissante
– une véritable oasis au milieu des terres arides de cette région
d’Espagne. C’est là que la petite rivière devient un cours d’eau torrentueux et
se divise en de multiples cascades.
Le voyageur traverse la contrée, écoutant la musique de
l’eau. Soudain, au pied d’une cascade, une grotte attire son attention. Il
observe soigneusement la pierre polie par le temps et les belles formes que la
nature a patiemment créées. Puis il découvre, inscrits sur une plaque, les vers
de Rabin-dranath Tagore :
Ce n’est pas le marteau qui a rendu ces pierres si
parfaites, mais l’eau, avec sa douceur, sa danse et sa chanson.
Là où la dureté ne fait que détruire, la douceur parvient
à sculpter.
LE MAITRE
DIT :
« Beaucoup de gens ont peur du bonheur. Pour eux, ce
mot signifie modifier une partie de leurs habitudes, et perdre leur identité.
« Très souvent nous nous croyons indignes des bonnes
choses qui nous arrivent. Nous ne les acceptons pas parce que, si nous le faisions,
nous aurions le sentiment d’avoir une dette envers Dieu.
« Nous pensons : « Mieux vaut ne pas goûter à
la coupe de la joie, sinon, lorsqu’elle sera vide, nous souffrirons
terriblement."
« De peur de rapetisser, nous oublions de grandir. De
peur de pleurer, nous oublions de rire. »
LE MONASTERE DE
Sceta fut un après-midi le théâtre d’une altercation entre deux moines. L’abbé
Sisois, supérieur du monastère, demanda au moine offensé de pardonner à son
agresseur.
« C’est hors de question ! répondit ce moine.
C’est lui qui m’a attaqué, il devra payer. »
Alors l’abbé Sisois leva les bras au ciel et commença à
prier :
« Seigneur Jésus, nous n’avons plus besoin de Toi. Nous
sommes capables de faire payer nos agresseurs pour leurs offenses. Nous sommes
capables de prendre en main notre vengeance et de veiller au Bien et au Mal.
Par conséquent, Tu peux, Seigneur, T’éloigner de nous sans problèmes. »
Honteux, le moine offensé pardonna immédiatement à son
frère.
« TOUS LES
MAITRES affirment que le trésor spirituel est une découverte solitaire. Alors,
pourquoi sommes-nous ensemble ? demanda un disciple à son maître.
— Vous êtes ensemble parce que la forêt est toujours
plus forte qu’un arbre isolé, répondit celui-ci. La forêt conserve l’humidité,
résiste mieux à l’ouragan et contribue à la fertilité du sol. Mais ce qui fait
la force de l’arbre, c’est sa racine. Et la racine d’une plante ne peut pas
aider une autre plante à pousser.
« Etre ensemble avec un but commun et permettre que
chacun se développe à sa manière, voilà le chemin de ceux qui désirent
communier avec Dieu. »
LORSQUE LE
VOYAGEUR avait dix ans, sa mère le poussa à suivre un cours d’éducation
physique. L’un des exercices consistait à sauter dans la rivière du haut d’un
pont. Comme il mourait de peur, il s’arrangeait toujours pour être le dernier
de la rangée et souffrait, chaque fois qu’un autre garçon sautait, à l’idée que
viendrait bientôt son tour.
Un jour, voyant son appréhension, le professeur l’obligea à
sauter le premier. Sa peur n’avait pas disparu, mais tout se passa si vite
qu’il eut cette fois du courage.
Le maître dit :
« Très souvent, nous devons prendre notre temps. Mais
quelquefois nous devons retrousser nos manches et affronter la situation. Dans
ce cas, il n’est rien de pire que de reporter à plus tard. »
UN MATIN, le
Bouddha était assis, entouré de ses disciples, lorsqu’un homme vint les
trouver. « Dieu existe-t-il ? demanda-t-il.
— Il existe », assura le Bouddha.
Après le déjeuner, un autre homme s’approcha :
« Dieu existe-t-il ?
— Non, il n’existe pas », affirma le Bouddha. Plus
tard dans la journée, un troisième homme posa la même question :
« Dieu existe-t-il ?
— C’est à vous de décider, déclara le Bouddha.
— Maître, c’est absurde ! s’écria l’un des
disciples. Comment pouvez-vous à la même question donner des réponses
différentes ?
— Parce que ce sont des personnes différentes, répliqua
l’Illuminé, et chacune s’approchera de Dieu à sa manière : à travers la
certitude, la négation ou le doute. »
NOUS SOMMES
TOUS désireux d’agir, de trouver des solutions, de prendre des mesures. Nous
sommes toujours en train de faire un projet, d’en conclure un autre, d’en
découvrir un troisième.
Il n’y a pas de mal à cela – en fin de compte, c’est
ainsi que nous construisons et transformons le monde. Mais l’acte d’Adoration
aussi fait partie de la vie.
S’arrêter de temps en temps, sortir de soi et demeurer
silencieux devant l’Univers. Se mettre à genoux, corps et âme. Sans rien
demander, sans penser, sans même remercier pour quoi que ce soit. Seulement
vivre l’amour silencieux qui nous enveloppe. Dans ces moments-là, il se peut
que jaillissent quelques larmes inattendues – qui ne sont ni de joie ni
de tristesse.
N’en soyez pas étonné. C’est un don. Ces larmes lavent votre
âme.
LE MAITRE
DIT :
« Si vous devez pleurer, pleurez comme un enfant. Vous
avez été enfant autrefois, et pleurer est l’une des premières choses que vous
avez apprises. Et puis, cela fait partie de la vie. N’oubliez jamais que vous
êtes libre et qu’il n’est pas honteux de manifester vos émotions. Criez,
sanglotez, aussi bruyamment que vous le souhaitez, car c’est ainsi que pleurent
les enfants, et ils savent comment soulager rapidement leur cœur.
« Avez-vous déjà remarqué comment les enfants
s’arrêtent de pleurer ? Quelque chose les distrait, attire leur attention
vers une nouvelle aventure. Les enfants cessent de pleurer rapidement.
« Et c’est ce qui vous arrivera, mais seulement si vous
pleurez comme pleure un enfant. »
LE VOYAGEUR déjeune
avec une amie avocate à Fort Lauderdale. A la table voisine, un ivrogne, très
excité, insiste à plusieurs reprises pour engager la conversation. A un moment,
l’amie lui demande de se tenir tranquille. Mais l’autre s’obstine :
« Pourquoi ? J’ai parlé d’amour comme un homme
sobre ne l’aurait jamais fait. J’ai manifesté ma joie, j’ai essayé de
communiquer avec des étrangers. Quel mal y a-t-il à cela ?
— Ce n’était pas le moment, répond-elle.
— Vous voulez dire qu’il y a une heure pour exprimer
son bonheur ? »
A ces mots, les deux amis invitent l’ivrogne à leur table.
LE MAITRE
DIT :
« Nous devons prendre soin de notre corps. Il est le
temple du Saint-Esprit et mérite notre respect et notre tendresse.
« Nous devons faire le meilleur usage de notre temps.
Nous devons lutter pour nos rêves et concentrer nos efforts dans ce sens.
« Mais il ne faut pas oublier que la vie est faite de
petits plaisirs : ils sont là pour nous stimuler, nous aider dans notre
quête, nous accorder des moments de répit tandis que nous menons nos batailles
quotidiennes.
« Ce n’est pas un péché que d’être heureux. Il n’y a
aucun mal à transgresser de temps en temps certaines règles en matière
d’alimentation, de sommeil ou de bonheur.
« Ne vous culpabilisez pas si parfois vous perdez du
temps à des vétilles. Ce sont les petits plaisirs qui sont nos plus grands
stimulants. »
PENDANT QUE le
maître voyageait pour répandre la parole de Dieu, la maison dans laquelle il
vivait avec ses disciples prit feu.
« Il nous a confié la maison et nous n’avons pas su en
prendre soin », dit l’un des disciples.
Et ils se mirent sur-le-champ à réparer ce qui avait survécu
à l’incendie. Le maître, revenu plus tôt que prévu, vit les travaux de
reconstruction.
« Eh bien, les choses s’améliorent : une maison
neuve ! » dit-il gaiement.
Embarrassé, l’un des disciples lui avoua la vérité :
leur résidence avait été détruite par les flammes.
« Je ne comprends pas ce que vous me racontez là, lui
rétorqua le maître. Je vois des hommes qui ont foi en la vie, qui entreprennent
une nouvelle étape. Ceux qui ont perdu l’unique bien qu’ils possédaient sont
dans une meilleure position que la plupart des gens car, dès lors, ils ont tout
à gagner. »
LE PIANISTE Arthur
Rubinstein était en retard à un déjeuner dans un grand restaurant new-yorkais.
Ses amis commençaient à s’inquiéter lorsque Rubinstein apparut, accompagné
d’une ravissante blonde trois fois plus jeune que lui.
Lui qui était connu pour son avarice commanda ce jour-là les
plats les plus onéreux, les vins les plus rares et les plus raffinés. Le repas
terminé, il régla l’addition, le sourire aux lèvres.
« Je sais que vous êtes tous surpris, dit Rubinstein,
mais ce matin, je suis allé chez mon notaire préparer mon testament. Je laisse
une somme confortable à ma fille et à mes proches, et j’ai fait de généreux
dons à des œuvres de charité. Puis, tout d’un coup, je me suis rendu compte que
je ne figurais pas sur mon testament : tout revenait aux autres !
Alors j’ai décidé de me traiter plus généreusement. »
LE MAITRE
DIT :
« Si vous suivez le chemin de vos rêves, engagez-vous
vraiment. Ne vous gardez pas une porte de sortie – par exemple, une
excuse du genre : « Ce n’est pas tout à fait cela que je
voulais. » Cette phrase contient en elle le germe de la défaite.
« Assumez votre chemin, même si vous devez marcher d’un
pas incertain, même si vous savez que vous pouvez mieux faire. Si vous acceptez
vos possibilités présentes, vous progresserez certainement à l’avenir. En
revanche, si vous niez vos limites, vous ne vous en libérerez jamais.
« Envisagez votre chemin avec courage et ne craignez
pas les critiques d’autrui. Surtout, ne vous laissez pas paralyser par
l’autocritique.
« Dieu sera avec vous durant vos nuits d’insomnie, et
Son amour séchera vos larmes secrètes. Dieu est le Dieu des vaillants. »
LE MAITRE demanda
à ses disciples d’aller chercher de quoi manger. Ils étaient en voyage et
avaient des difficultés pour se nourrir correctement.
Dans la soirée, les disciples revinrent, chacun apportant le
peu qu’il avait reçu de la charité d’autrui : des fruits blets, presque pourris,
du pain rassis, du vin aigre.
L’un d’eux, cependant, rapporta un sac de pommes bien mûres.
« Je ferai toujours mon possible pour aider mon maître
et mes frères, dit-il en distribuant les pommes.
— Où avez-vous trouvé cela ? s’enquit le maître.
— J’ai dû les voler, répondit le disciple. Les gens ne
me donnaient que des aliments avariés. Pourtant, ils savent bien que nous
prêchons la parole de Dieu.
— Eh bien, allez-vous-en avec vos pommes, et ne revenez
jamais ! s’exclama le maître. Celui qui vole pour moi finira
par me voler. »
NOUS PARCOURONS
le monde en quête de nos rêves et de nos idéaux. Très souvent, nous rendons
inaccessible ce qui se trouve à portée de main. Lorsque nous découvrons notre
erreur, nous comprenons que nous avons perdu notre temps en cherchant très loin
ce qui était tout près. Nous nous culpabilisons pour nos faux pas, notre quête
inutile et le chagrin que nous avons causé.
Le maître dit :
« Bien que le trésor soit enterré dans votre maison,
vous ne le découvrirez que si vous ne le cherchez plus. Si Pierre n’avait pas
éprouvé la douleur du reniement, il n’aurait pas été choisi pour chef de
l’Eglise. Si le fils prodigue n’avait pas tout abandonné, il n’aurait pas été
reçu et fêté par son père.
« Certaines choses dans la vie portent le sceau qui
dit : « Vous ne comprendrez ma valeur que lorsque vous m’aurez
perdu... et retrouvé. » Il ne sert à rien de vouloir rendre plus
court ce chemin. »
LE MAITRE demanda
à son disciple préféré s’il avait fait des progrès sur le plan spirituel. Le disciple
répondit qu’il parvenait à consacrer à Dieu chaque instant de sa journée.
« Alors, il ne vous reste plus qu’à pardonner à vos
ennemis », remarqua le maître.
Le disciple se redressa, choqué :
« Mais ce n’est pas la peine ! Je ne suis pas en
colère contre mes ennemis !
— Croyez-vous que Dieu soit en colère contre
vous ? interrogea le maître.
— Non, bien sûr ! répondit le disciple.
— Et pourtant vous implorez Son pardon, n’est-ce
pas ? Faites-en autant avec vos ennemis, même si vous n’éprouvez pas de haine
à leur égard. Celui qui pardonne nettoie et parfume son propre cœur. »
LE JEUNE
BONAPARTE tremblait comme une feuille durant les féroces bombardements du siège
de Toulon. Le voyant dans cet état, un soldat dit à ses compagnons :
« Regardez-le, il est mort de peur !
— En effet, répliqua Bonaparte. Mais je continue à
combattre. Si vous éprouviez la moitié de l’effroi que je ressens, vous auriez
pris la fuite depuis très longtemps. »
Le maître dit :
« La peur n’est pas signe de lâcheté. C’est elle qui nous
permet d’agir avec bravoure et dignité dans certaines circonstances. Celui qui
éprouve la peur et va cependant de l’avant, sans se laisser intimider, fait
preuve de courage. Mais celui qui affronte des situations difficiles sans tenir
compte du danger ne fait preuve que d’irresponsabilité. »
LE VOYAGEUR se
trouve dans une fête de la Saint-Jean. Il y a des baraques de foire, un stand
de tir à l’arc, une nourriture simple.
Soudain, un clown se met à imiter tous ses gestes. Les gens
rient, et lui aussi s’en amuse. Finalement, il invite le clown à boire un café.
« Engagez-vous dans la vie ! lui dit ce dernier.
Si vous êtes vivant, vous devez secouer les bras, sauter, faire du bruit, rire
et parler avec les autres, parce que la vie est exactement l’opposé de la mort.
Mourir, c’est rester à tout jamais dans la même position. Si vous êtes trop
tranquille, vous n’êtes plus en vie. »
UN PUISSANT
MONARQUE que son dos faisait souffrir appela un prêtre qui, lui avait-on dit,
possédait des pouvoirs de guérison.
« Dieu nous assistera, dit le saint homme, mais d’abord
je veux comprendre la raison de ces douleurs. La confession oblige l’homme à
affronter ses difficultés et le libère de quantité de choses. »
Et le prêtre se mit à questionner le roi sur sa vie, la
manière dont il traitait son prochain, les angoisses et les tourments de son
règne. Mais, irrité de devoir penser à ses problèmes, le monarque se tourna
vers le saint homme :
« Je ne veux pas parler de ces sujets. Je vous en prie,
allez me chercher quelqu’un qui me soignera sans poser de questions. »
Le prêtre s’en alla et revint une demi-heure après,
accompagné d’un autre homme.
« Voici la personne qu’il vous faut, dit-il. Mon ami
est vétérinaire, il n’a pas l’habitude de discuter avec ses patients. »
UN DISCIPLE et
son maître se promenaient un matin dans la campagne. Le disciple demandait s’il
existait un régime favorisant la purification. Bien que le maître affirmât avec
insistance que tout aliment était sacré, il ne voulait pas le croire.
« Il doit bien exister une nourriture qui nous
rapproche de Dieu, répétait-il.
— Vous avez peut-être raison. Ces champignons, là, par
exemple », suggéra le maître.
Le disciple, tout excité, crut que les champignons allaient
lui apporter la purification et l’extase. Mais lorsqu’il voulut en ramasser un,
il poussa un cri horrifié :
« Ils sont vénéneux ! Si j’en mangeais un, je
mourrais sur-le-champ !
— Eh bien, je ne connais pas d’autre aliment qui vous
rapprocherait de Dieu », conclut le maître.
AU COURS DE
L’HIVER de 1981, en se promenant avec sa femme dans les rues de Prague, le
voyageur remarque un jeune garçon qui dessine les bâtiments alentour.
Il apprécie l’un de ses dessins et décide de l’acheter.
Quand il lui tend son argent, il constate que le garçon ne porte pas de gants,
malgré une température de - 5 °C.
« Pourquoi ne portez-vous pas de gants ?
demande-t-il.
— Pour pouvoir tenir mon crayon. »
Ils discutent un peu de Prague, puis le garçon propose de
faire le portrait de la femme du voyageur, gratuitement.
Tandis qu’il attend que le dessin soit terminé, le voyageur
se rend compte qu’il s’est passé une chose étrange ; il a bavardé avec ce
jeune homme pendant presque cinq minutes sans que l’un parle la langue de
l’autre. Ils n’ont eu recours qu’à des gestes, des rires, des mimiques ;
mais la volonté de partager leur a permis d’entrer dans le monde du langage
sans paroles.
UN DE SES AMIS emmena
Hassan à la porte d’une mosquée, où un aveugle faisait l’aumône.
« Cet aveugle, dit l’ami, est l’homme le plus sage de
notre pays.
— Depuis combien de temps êtes-vous aveugle ?
demanda Hassan à l’homme.
— Depuis ma naissance.
— Est-ce cela qui a fait de vous un sage ?
— Comme je n’acceptais pas ma cécité, j’ai voulu
devenir astronome, répondit l’homme. Puisque je ne pouvais pas voir les cieux,
j’ai été forcé d’imaginer les étoiles, le Soleil, les galaxies. A mesure que je
me rapprochais de l’œuvre de Dieu, je me suis rapproché de Sa sagesse. »
DANS UN BAR d’un
village perdu, en Espagne, près d’une ville nommée Olite, on lit sur une affiche
le texte suivant que le patron a rédigé :
Justement au moment où j’avais réussi à trouver toutes les
réponses, toutes les questions ont changé.
Le maître dit :
« Nous sommes toujours très occupés à chercher des
réponses. Nous considérons qu’elles sont essentielles pour comprendre le sens
de la vie. Mais il est plus important encore de vivre pleinement et de laisser
le temps se charger de nous révéler les secrets de notre existence. Si nous
sommes trop occupés à trouver un sens, nous ne laissons pas faire la nature, et
nous sommes incapables de lire les signes de Dieu. »
UNE LEGENDE
AUSTRALIENNE raconte l’histoire d’un sorcier qui se promenait avec ses trois
sœurs lorsque le plus célèbre guerrier de l’époque les aborda.
« Je veux épouser l’une de ces belles jeunes filles,
déclara le guerrier.
— Si l’une d’elles se marie, les autres vont souffrir.
C’est pourquoi je cherche une tribu qui autorise les guerriers à avoir trois
femmes », rétorqua le sorcier en s’éloignant.
Pendant des années, il parcourut en vain le continent
australien.
« L’une de nous au moins aurait pu être heureuse, fit
remarquer l’une des sœurs, tandis qu’ils étaient vieux et fatigués d’avoir tant
marché.
— J’ai eu tort, reconnut le sorcier, mais à présent il
est trop tard. »
Et il transforma ses trois sœurs en blocs de pierre, afin
que tous ceux qui passeraient par là comprennent que le bonheur de l’un ne
signifie pas la tristesse des autres.
LE JOURNALISTE Wagner
Carelli alla interviewer l’écrivain argentin Jorge Luis Borges.
L’entretien terminé, ils parlèrent du langage qui existe
au-delà des mots et de l’immense capacité que possède l’être humain de
comprendre son prochain.
« Je vais vous donner un exemple », dit Borges.
Et il se mit à s’exprimer dans une langue étrange. A la fin,
il demanda au journaliste ce qu’il venait de réciter.
Avant même que Carelli ait eu le temps de répondre, le
photographe qui l’accompagnait s’écria :
« C’est la prière du Notre Père.
— C’est exact, dit Borges, je la disais en
finnois. »
UN DOMPTEUR DE
CIRQUE parvient à dresser un éléphant en recourant à une technique très
simple : alors que l’animal est encore jeune, il lui attache une patte à
un tronc d’arbre très solide. Malgré tous ses efforts, l’éléphanteau n’arrive
pas à se libérer. Peu à peu, il s’habitue à l’idée que le tronc est plus fort
que lui. Une fois qu’il est devenu un adulte doté d’une force colossale, il
suffît de lui passer une corde au pied et de l’attacher à un jeune arbre. Il ne
cherchera même pas à se libérer.
Comme ceux des éléphants, nos pieds sont entravés par des
liens fragiles. Mais, comme nous avons été accoutumés dès l’enfance à la
puissance du tronc d’arbre, nous n’osons pas lutter.
Sans savoir qu’il nous suffirait d’un geste de courage pour
découvrir toute notre liberté.
IL N’AVANCE A
RIEN de demander des explications sur Dieu ; vous pouvez entendre de très
belles paroles, au fond ce sont des mots vides. De même, vous pouvez lire une
encyclopédie entière sur l’amour et ne pas savoir ce qu’est aimer. Le maître
dit :
« Personne ne réussira à prouver que Dieu existe, ni
qu’il n’existe pas. Certaines choses dans la vie doivent être vécues, et jamais
expliquées.
« L’amour en fait partie. Dieu – qui est amour – également.
La foi est une expérience d’enfant, au sens magique où Jésus a dit :
« Le Royaume des Cieux appartient aux enfants."
« Dieu n’entrera jamais dans votre tête. La porte par
laquelle Il passe est votre cœur. »
LE PERE
SUPERIEUR le disait toujours : frère Jean priait tellement qu’il n’avait
plus d’inquiétude à avoir, ses passions avaient été vaincues.
Ces propos parvinrent aux oreilles de l’un des sages du
monastère de Sceta. Un soir, après le dîner, ce dernier appela les novices.
« Vous avez entendu dire que frère Jean n’avait plus de
tentations à surmonter, déclara-t-il. Mais l’absence de lutte affaiblit l’âme.
Prions le Seigneur pour qu’il envoie à frère Jean une tentation très forte. Et
si frère Jean la vainc, nous Le prierons pour qu’il lui en envoie une autre, et
encore une autre. Et lorsque notre frère devra lutter de nouveau contre les
tentations, nous prierons pour qu’il ne dise jamais : Seigneur, éloigne
de moi ce démon, mais au contraire : Seigneur, donne-moi la force
d’affronter le mal. »
IL EST UN
MOMENT de la journée où notre vision est indistincte : c’est le crépuscule.
La lumière et les ténèbres se rejoignent, et rien n’est totalement clair ni
totalement obscur. Dans la plupart des traditions spirituelles, ce moment est
considéré comme sacré.
La tradition catholique nous enseigne qu’à six heures du
soir nous devons réciter l’Ave Maria. Dans la tradition quetchua, si nous
rencontrons un ami durant l’après-midi et que nous sommes toujours ensemble au
crépuscule, nous devons tout recommencer et le saluer de nouveau d’un
« bonsoir ».
Au crépuscule, l’équilibre entre l’homme et la planète est
mis à l’épreuve. Dieu mêle l’ombre et la lumière pour voir si la Terre a le
courage de continuer à tourner.
Si la Terre n’est pas effrayée par l’obscurité, la nuit
passe, et un nouveau Soleil brille le lendemain.
LE PHILOSOPHE
ALLEMAND Schopenhauer se promenait dans une rue de Dresde, cherchant des
réponses aux questions qui l’angoissaient. Soudain, passant devant un jardin,
il décida d’y demeurer quelques heures à regarder les fleurs.
Trouvant le comportement de cet homme étrange, un habitant
du voisinage appela la police. Quelques minutes plus tard, un policier
s’approcha de Schopenhauer.
« Qui êtes-vous ? » lui demanda-t-il d’un ton
rude.
Schopenhauer toisa de la tête aux pieds l’homme qui se
tenait devant lui.
« Si vous savez répondre à cette question, dit-il, je
vous en serai éternellement reconnaissant. »
UN HOMME en
quête de sagesse décida de se rendre dans les montagnes où, lui avait-on dit,
Dieu apparaissait tous les deux ans.
La première année, il se nourrit de tout ce que la terre lui
offrait. Puis il n’y eut plus rien à manger et il dut retourner en ville.
« Dieu est injuste ! s’exclama-t-il. Il n’a pas vu
que j’étais resté ici tout ce temps afin d’entendre Sa voix. A présent j’ai
faim, et je m’en vais sans L’avoir entendu. »
A cet instant un ange apparut :
« Dieu aimerait beaucoup parler avec vous. Durant toute
une année, Il vous a nourri. Il espérait que vous subviendriez à vos besoins
l’année suivante. Mais, pendant ce temps, qu’avez-vous planté ? Si un
homme n’est pas capable de faire pousser des fruits à l’endroit où il vit, il
n’est pas prêt à parler avec Dieu. »
IL NOUS ARRIVE de penser : « Vraiment, on
dirait que la liberté humaine consiste à choisir sa propre servitude. Je
travaille huit heures par jour et, si j’obtiens un avancement, j’en
travaillerai douze. Je me suis marié, et maintenant je n’ai plus de temps pour
moi. J’ai cherché Dieu, et je suis obligé d’assister aux cultes, aux messes,
aux cérémonies religieuses. Tout ce qui est important dans cette vie – l’amour,
le travail, la foi – se transforme en un fardeau pesant. » Le maître
dit :
« Seul l’amour nous permet de trouver une issue. Seul
l’amour de ce que nous faisons transforme la servitude en liberté. Si nous ne
pouvons pas aimer, il est préférable d’arrêter tout de suite. Jésus a
dit : « Si ton œil gauche te choque, crève-le. » Il vaut
mieux être aveugle d’un œil que de laisser tout ton corps périr dans les
ténèbres. »
Cette phrase est dure, mais il en est ainsi.
UN ERMITE parvint
à jeûner une année entière en ne s’alimentant qu’une fois par semaine. Après ce
sacrifice, il demanda à Dieu de lui révéler le sens profond d’un certain
passage de la Bible.
Il ne reçut aucune réponse.
« Quelle perte de temps ! se dit-il. Tant de
privations, et Dieu ne me répond pas ! Je ferais mieux de partir d’ici et
de trouver un moine qui connaisse la signification de ce verset. »
A cet instant apparut un ange.
« Ces douze mois de jeûne n’ont servi qu’à vous faire
croire que vous étiez meilleur que les autres, et Dieu n’entend pas les
vaniteux, lui dit l’ange. Mais au moment où vous avez fait preuve d’humilité en
demandant l’aide de votre prochain, Dieu m’a envoyé. »
Et l’ange révéla au moine ce qu’il voulait savoir.
LE MAITRE
DIT :
« Voyez comme certains mots ont été formés de manière
que l’on comprenne clairement leur signification.
« Prenons le mot « préoccupation », et
scindons-le en deux : « pré » et « occupation ».
Il signifie s’occuper d’une chose avant qu’elle ne se produise.
« Qui donc, dans tout cet univers, possède l’aptitude
de s’occuper de quelque chose qui n’est pas encore arrivé ?
« Ne soyez jamais préoccupés. Soyez attentifs à votre
destin et à votre chemin. Apprenez tout ce que vous devez savoir pour bien
manier l’épée de lumière qui vous a été confiée. Observez comment luttent vos
amis, vos maîtres, vos ennemis.
« Entraînez-vous suffisamment, mais ne commettez pas la
pire des erreurs, qui serait de croire que vous savez quel coup votre
adversaire va vous porter. »
C’EST VENDREDI,
vous rentrez chez vous et vous prenez les journaux que vous n’avez pas eu le
temps de lire durant la semaine. Vous allumez la télévision sans le son, vous
mettez un disque. Vous utilisez la télécommande pour passer d’une chaîne à
l’autre, et vous feuilletez quelques pages tout en écoutant la musique. Les
journaux ne contiennent rien de nouveau, les programmes de télévision sont
répétitifs et vous avez déjà écouté ce disque des dizaines de fois. Votre femme
s’occupe des enfants, sacrifiant le meilleur de sa jeunesse sans vraiment comprendre
pourquoi elle le fait.
Une excuse vous passe par la tête : « Bon, c’est
la vie ! » Non, la vie, ce n’est pas cela. La vie, c’est
l’enthousiasme. Essayez de vous rappeler où vous avez caché votre enthousiasme.
Prenez avec vous votre femme et vos enfants, et tâchez de le retrouver avant
qu’il ne soit trop tard. L’amour n’a jamais empêché personne de poursuivre ses
rêves.
C’ETAIT LA
VEILLE de Noël. Le voyageur et sa femme dînaient dans l’unique restaurant d’un
village des Pyrénées, et ils faisaient le bilan de l’année sur le point de se
terminer. Le voyageur se mit à déplorer un événement qui ne s’était pas déroulé
comme il l’aurait souhaité.
Sa femme regardait fixement le sapin de Noël qui décorait le
restaurant. Le voyageur songea qu’elle ne semblait guère intéressée par la
conversation, et il changea de sujet :
« Les décorations de cet arbre sont très jolies,
remarqua-t-il.
— C’est vrai, répondit-elle. Mais si tu observes bien,
au milieu de ces dizaines d’ampoules, il y en a une de grillée. Il me semble
que, au lieu de considérer les innombrables bénédictions qui ont illuminé
l’année passée, tu fixes ton regard sur la seule ampoule qui n’a rien éclairé
du tout. »
« TU VOIS ce
saint homme, si humble, qui marche sur la route ? dit un démon à un autre.
Eh bien, je m’en vais conquérir son âme.
— Il ne t’écoutera pas, il ne prête attention qu’aux
choses saintes », répliqua son compagnon.
Mais le diable, rusé comme toujours, revêtit les habits de
l’ange Gabriel et apparut au saint homme. « Je suis venu vous aider, lui
dit-il.
— Vous me confondez sans doute avec quelqu’un d’autre,
rétorqua le saint homme. Je n’ai jamais rien fait dans ma vie pour mériter
l’apparition d’un ange. »
Et il poursuivit sa route, sans savoir à quoi il avait
échappé.
ANGELA PONTUAL assistait
à une pièce de théâtre à Broadway, et elle sortit prendre un verre à
l’entracte. Le hall était bondé, les gens fumaient, bavardaient, buvaient.
Un pianiste jouait, mais personne ne prêtait attention à la
musique. Angela commença à boire tout en observant le musicien. Il semblait
s’ennuyer, jouer par obligation et attendre impatiemment la fin de l’entracte.
Au troisième whisky, un peu ivre, elle s’approcha du
pianiste.
« Vous êtes un enquiquineur ! vociféra-t-elle.
Pourquoi ne jouez-vous pas simplement pour vous-même ? »
Le pianiste la regarda, surpris. Et il se mit aussitôt à
jouer les airs qu’il aimait. En quelques minutes, le silence se fit.
Quand le pianiste s’arrêta, tout le monde applaudit avec
enthousiasme.
SAINT FRANÇOIS
D’ASSISE était un jeune homme très populaire lorsqu’il décida de tout quitter
pour bâtir l’œuvre de sa vie. Sainte Claire était une belle femme quand elle
fit vœu de chasteté. Raymond Lulle fréquentait les grands intellectuels de son
temps lorsqu’il se retira dans le désert.
La quête spirituelle est, avant tout, un défi. Celui qui
s’en sert pour fuir ses problèmes n’ira pas bien loin. Cela n’a aucun intérêt
de se retirer du monde pour un homme qui échoue à se faire des amis. Cela n’a
aucun sens de faire vœu de pauvreté lorsqu’on est incapable d’assurer sa
subsistance. Ni d’être humble lorsqu’on est un lâche.
Posséder quelque chose et y renoncer est une chose. N’avoir
rien et condamner ceux qui possèdent en est une autre. Il est très facile à un
homme impuissant de prêcher la chasteté absolue, mais quelle valeur a son
engagement ?
Le maître dit :
« Louez l’œuvre de Dieu. Faites la conquête de
vous-même tandis que vous affrontez le monde. »
COMME IL EST
FACILE d’être difficile ! Il nous suffit de demeurer loin des autres,
ainsi nous ne souffrirons jamais. Nous ne courrons pas le risque d’aimer,
d’être déçu, de voir nos rêves frustrés.
Comme il est facile d’être difficile. Nous n’avons pas à
nous soucier des coups de téléphone à donner, des gens qui nous demandent de
leur venir en aide, des bienfaits qu’il faudrait dispenser.
Comme il est facile d’être difficile. Il nous suffit de
faire semblant d’être dans une tour d’ivoire et de ne jamais verser une larme.
Il nous suffit de passer le reste de notre vie à jouer un rôle.
Comme il est facile d’être difficile. Il nous suffit de
rejeter tout ce que la vie offre de meilleur.
UN PATIENT déclara
à son médecin :
« Docteur, je suis sous l’emprise de la peur et cela me
prive de toute joie de vivre.
— Dans mon cabinet, il y a un petit rat qui mange mes
livres, lui répondit le médecin. Si je m’acharne à essayer de l’attraper, il
ira se cacher, et je passerai tout mon temps à le pourchasser. C’est pourquoi
je mets en lieu sûr les livres qui ont de l’importance et je lui en laisse
quelques autres à ronger. Ainsi, il reste petit et ne devient pas un monstre.
Redoutez certaines choses et concentrez sur elles toute votre peur. Ainsi, vous
aurez du courage pour le reste. »
LE MAITRE
DIT :
« Très souvent, il est plus facile d’aimer que d’être
aimé.
« Nous avons du mal à accepter l’aide et le soutien des
autres. Nos efforts pour paraître indépendants les privent de l’occasion de
nous prouver leur amour.
« Nombre de parents, lorsqu’ils vieillissent, empêchent
leurs enfants de leur prodiguer la tendresse et le soutien qu’ils ont eux-mêmes
reçus lorsqu’ils étaient petits. Beaucoup d’époux (ou d’épouses), quand le
destin les frappe, ont honte de dépendre de l’autre. Résultat : les eaux
de l’amour ne se répandent plus.
« Nous devons accepter les gestes d’amour de notre
prochain. Nous devons permettre à quelqu’un de nous aider, de nous soutenir, de
nous donner la force de continuer.
« Si nous acceptons cet amour avec pureté et humilité,
nous comprendrons que l’Amour ne consiste pas à donner ou à recevoir, mais à
participer. »
EVE se
promenait dans le jardin d’Eden lorsque le serpent s’approcha d’elle.
« Mange cette pomme », lui dit-il.
Eve, que Dieu avait instruite, refusa.
« Mange cette pomme, insista le serpent, tu dois te
faire plus belle pour ton homme.
— Je n’en ai pas besoin, répondit-elle, il n’a pas
d’autre femme que moi. »
Le serpent rit :
« Bien sûr que si ! »
Et, comme Eve ne le croyait pas, il l’emmena jusqu’en haut
d’une colline où se trouvait un puits.
« Elle est là, au fond. C’est là qu’Adam l’a cachée. »
Eve se pencha et vit dans l’eau du puits l’image d’une belle
femme. Alors, sans hésiter, elle croqua la pomme que le serpent lui offrait.
EXTRAITS d’une
« Lettre à mon cœur » anonyme : « Mon cœur, jamais je ne te
condamnerai, je ne te critiquerai, je n’aurai honte de tes paroles. Je sais que
tu es un enfant chéri de Dieu et qu’il t’entoure d’une radieuse lumière
d’amour.
J’ai confiance en toi, mon cœur. Je suis de ton côté, je
réclamerai toujours ta bénédiction dans mes prières, je demanderai toujours que
tu trouves l’aide et le soutien dont tu as besoin.
Je crois en toi, mon cœur. Je crois que tu partageras ton
amour avec ceux qui le méritent ou qui en ont besoin. Que mon chemin sera ton
chemin, et que nous marcherons ensemble vers le Saint-Esprit.
Je t’en prie, aie confiance en moi. Sache que je t’aime et
que je m’efforce de te donner toute la liberté dont tu as besoin pour continuer
à battre joyeusement dans ma poitrine. Je ferai tout ce qui sera à ma portée
pour que tu ne te sentes jamais incommodé par ma présence autour de toi. »
LE MAITRE dit :
« Lorsque nous décidons d’agir, il est naturel que
surgissent des conflits inattendus. Et il est naturel que ces conflits nous
laissent des blessures.
« Les blessures passent. Restent les cicatrices, et
c’est une bénédiction. Ces cicatrices demeurent avec nous pour le restant de
nos jours, et elles nous sont d’un grand secours. Si à un moment donné, par
commodité ou pour toute autre raison, le désir de régresser se fait violemment
sentir, il nous suffit de les regarder.
« Les cicatrices nous montreront la marque des
menottes, elles nous rappelleront les horreurs de la prison, et nous irons de
l’avant. »
DANS SON Epître
aux Corinthiens, saint Paul nous dit que la douceur est l’une des principales
caractéristiques de l’amour.
Ne l’oublions jamais : l’amour est tendresse. Une âme
rigide ne permet pas à la main de Dieu de la modeler selon Ses désirs.
Le voyageur marchait sur une petite route dans le nord de
l’Espagne quand il vit un paysan couché dans un jardin.
« Vous êtes en train d’écraser les fleurs, lui dit-il.
— Non, répliqua l’homme. J’essaie de prendre un peu de
leur douceur. »
LE MAITRE
DIT :
« Priez tous les jours. Même si vos prières sont
muettes, même si vous ne comprenez pas pourquoi, faites de la prière une
habitude. Si cela semble difficile au début, fixez-vous cette
proposition : « Je vais prier tous les jours de la semaine
prochaine. » Et renouvelez cette promesse tous les sept jours.
« Souvenez-vous que non seulement vous créez ainsi un
lien intime avec le monde spirituel, mais que vous entraînez également votre
volonté. C’est à travers certaines pratiques que nous développons la discipline
nécessaire au véritable combat de l’existence.
« Il n’avance à rien d’oublier un jour sa promesse et
de prier deux fois le lendemain. Ni de réciter sept prières le même jour et de
passer le reste de la semaine à se dire que l’on a accompli sa tâche.
« Certaines choses doivent s’accomplir au rythme
approprié et dans la bonne mesure. »
UN MECHANT
HOMME meurt et, à la porte de l’Enfer, il rencontre un ange.
Ce dernier lui dit : « Il suffit que vous ayez
fait une bonne action dans votre vie, cela vous portera secours. »
L’homme répond : « Je n’ai jamais rien fait de bon
dans cette vie.
— Réfléchissez bien », insiste l’ange.
Alors l’homme se souvient qu’un jour, tandis qu’il marchait
en forêt, il a vu sur le chemin une araignée et qu’il a fait un détour pour ne
pas l’écraser.
L’ange sourit et une toile d’araignée descend des cieux pour
permettre à l’homme de monter jusqu’au Paradis. D’autres condamnés en profitent
pour grimper avec lui, mais l’homme se retourne et, craignant que le fil ne se
rompe, il se met à les repousser.
A cet instant, le fil craque et l’homme est de nouveau
projeté en Enfer.
« C’est dommage, lui dit l’ange. Votre égoïsme a
transformé en mal la seule chose positive que vous ayez jamais
faite ! »
LE MAITRE
DIT :
« Le carrefour est un lieu sacré. C’est là que le
pèlerin doit prendre une décision. C’est pourquoi les dieux ont coutume d’y
dormir et d’y manger.
« Là où les routes se croisent, deux grandes énergies
se concentrent – le chemin que l’on va choisir, et celui que l’on
abandonne. Tous deux ne font alors plus qu’un, mais seulement pour une courte
période.
« Le pèlerin peut se reposer, dormir un peu, et même
consulter les dieux qui habitent là. Mais il ne peut pas y demeurer pour
toujours : lorsque son choix est fait, il doit poursuivre sa route, sans
penser à la voie qu’il a délaissée.
« Sinon, le carrefour devient une malédiction. »
AU NOM DE la
vérité, l’humanité a commis les pires crimes. Des hommes et des femmes sont
morts sur le bûcher. La culture de certaines civilisations a été anéantie. Ceux
qui commettaient le péché de la chair étaient exclus. Ceux qui cherchaient un
chemin différent, marginalisés.
L’un d’eux, au nom de la « vérité », a fini
crucifié. Mais avant de mourir, Il nous a laissé une grande définition de la
Vérité.
Ce n’est pas ce qui nous donne des certitudes.
Ce n’est pas ce qui nous donne de la profondeur.
Ce n’est pas ce qui nous rend meilleurs que les autres.
Ce n’est pas ce qui nous retient dans la prison des
préjugés.
La Vérité est ce qui nous rend libres.
« Vous connaîtrez la Vérité, et la Vérité vous
libérera », a-t-il dit.
UN MOINE du
monastère de Sceta ayant commis une grave faute, on appela le plus sage des
ermites afin de le juger.
Tout d’abord, l’ermite refusa, mais les autres insistèrent
tant qu’il accepta. Avant de partir, cependant, il prit un seau dont il perça
le fond de quelques trous. Puis il le remplit de sable et prit la route du
monastère.
Le supérieur, le voyant entrer, lui demanda ce qu’il portait
là.
« Je suis venu juger mon prochain, dit l’ermite. Mes
péchés s’écoulent derrière moi, comme le sable de ce seau. Mais comme je ne
regarde pas en arrière, je ne les vois pas. Et vous m’avez appelé pour que je
juge mon prochain ! »
Les moines renoncèrent sur-le-champ à juger leur frère.
SUR LES MURS d’une
petite église des Pyrénées, il est écrit :
Seigneur, que ce cierge que je viens d’allumer soit lumière
et m’éclaire dans mes décisions et dans mes difficultés.
Qu’il soit feu pour que Tu brûles en moi l’égoïsme,
l’orgueil et l’impureté.
Qu’il soit flamme pour que Tu réchauffes mon cœur et
m’apprennes à aimer.
Je ne puis rester très longtemps dans Ton église, mais en
laissant ce cierge, je laisse ici un peu de moi-même. Cela m’aide à prolonger
ma prière parmi les activités de ce jour.
Amen.
UN AMI du
voyageur décida de passer quelques semaines dans un monastère au Népal. Un
après-midi, il entra dans l’un des nombreux temples et il y vit un moine qui
souriait, assis sur l’autel.
« Pourquoi souriez-vous ? lui demanda-t-il.
— Parce que je comprends ce que signifient les
bananes », répondit le moine, ouvrant son sac et en sortant une banane
toute pourrie. « Celle-ci, c’est la vie qui s’en est allée, que l’on n’a
pas saisie au bon moment ; désormais il est trop tard. »
Ensuite, il retira de son sac une banane encore verte. Il la
montra à l’homme, puis la remit à sa place.
« Celle-là, c’est la vie qui n’est pas encore advenue,
il faut attendre le bon moment », ajouta-t-il.
Enfin, il prit une banane mûre, dont il enleva la peau, et
la partagea avec l’ami du voyageur en disant :
« Voici le moment présent. Sachez le vivre sans
crainte. »
BABY CONSUELO emmena
son fils au cinéma avec en poche juste l’argent nécessaire. Le gamin était tout
excité et il demandait sans cesse à sa mère quand ils arriveraient.
S’arrêtant à un feu rouge, elle vit un mendiant assis sur le
trottoir qui ne tendait pas la main aux passants. Alors elle entendit une voix
qui lui disait : « Donne-lui tout l’argent que tu as sur toi. »
Baby expliqua à la voix qu’elle avait promis à son fils de
l’emmener au cinéma.
« Donne tout, insista la voix.
— Je peux donner la moitié, mon fils entrera tout seul
et je l’attendrai à la sortie », objecta-t-elle.
Mais la voix n’entendait pas discuter :
« Donne tout. »
Baby n’eut pas le temps d’expliquer tout cela au garçon.
Elle arrêta sa voiture et tendit au mendiant tout l’argent qu’elle avait.
« Dieu existe, et vous venez de me le prouver, lui dit
le mendiant. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. J’étais triste, j’avais honte
de toujours demander l’aumône. Alors j’ai décidé de ne pas tendre la main et je
me suis dit : si Dieu existe, Il me fera un cadeau. »
UN PELERIN traverse
un petit village au plus fort de l’orage, et il aperçoit une maison qui brûle.
En s’approchant, il distingue un homme assis dans le salon en flammes.
« Hé ! Votre maison est en feu, s’écrie le
pèlerin.
— Je le sais, répond l’homme.
— Alors, pourquoi ne sortez-vous pas ?
— Parce qu’il pleut, explique l’homme. Ma mère m’a
toujours dit que, si l’on sortait sous la pluie, on risquait d’attraper une
pneumonie. »
Zao Chi commente ainsi la fable : Sage est l’homme
qui parvient à se sortir d’une situation quand il s’y voit forcé.
DANS CERTAINES
TRADITIONS magiques, les disciples consacrent un jour par an – ou une fin
de semaine, si c’est nécessaire – à entrer en contact avec les objets de
leur maison. Ils touchent chaque objet et demandent à voix haute :
« Ai-je vraiment besoin de cela ? »
Ils prennent les livres sur l’étagère :
« Relirai-je ce livre un jour ? »
Ils examinent les souvenirs qu’ils ont conservés :
« Est-ce que je considère encore comme important le moment que cet objet
me rappelle ? »
Ils ouvrent toutes les armoires : « Depuis combien
de temps ai-je ce vêtement sans jamais le porter ? En ai-je vraiment
besoin ? » Le maître dit :
« Les objets ont leur énergie propre. Quand ils ne sont
pas utilisés, ils finissent par se transformer en eau stagnante et la maison
devient alors l’endroit idéal pour la moisissure et les moustiques.
« Il faut être attentif et laisser cette énergie se
répandre librement. Si vous gardez ce qui est vieux, le neuf n’a plus d’espace
où se manifester. »
UNE ANCIENNE LEGENDE
péruvienne évoque une ville où tout le monde était heureux. Les habitants
faisaient tout ce qu’ils désiraient et ils s’entendaient bien entre eux –
à l’exception du préfet, qui déplorait de ne rien diriger du tout. La prison
était vide, le tribunal ne servait jamais, et le notaire ne faisait aucun
profit car la parole donnée avait davantage de valeur que le papier.
Un jour, le préfet fit venir de loin des ouvriers qui
élevèrent une palissade au centre de la place principale. Pendant une semaine
on entendit les marteaux frapper et les scies couper le bois.
Puis le préfet invita tous les habitants à l’inauguration.
Très solennellement, la palissade fut enlevée et l’on vit apparaître... une
potence.
Les gens se demandèrent ce que cette potence faisait là.
Effrayés, ils se mirent à recourir à la justice pour toutes sortes de problèmes
qui étaient auparavant résolus d’un commun accord. Ils allèrent trouver le
notaire pour enregistrer des documents auxquels autrefois la parole se
substituait. Et ils écoutèrent ce que disait le préfet, car ils craignaient la
loi.
La légende précise que la potence ne fut jamais utilisée.
Mais sa seule présence avait suffi pour tout changer.
LE PSYCHIATRE
ALLEMAND Viktor Frank évoque en ces termes son expérience dans un camp de
concentration nazi :
« Au milieu des châtiments et des humiliations, un
prisonnier s’écria : « Quelle honte si nos femmes nous voyaient
ainsi ! » Ce commentaire me fit penser au visage de mon épouse
et, en un instant, je fus transporté hors de cet enfer. Je retrouvai la volonté
de vivre, me disant que le salut de l’homme lui est donné par et pour l’amour.
« J’étais là, au milieu de ce supplice, et pourtant
capable de comprendre Dieu, car je pouvais contempler mentalement le visage de
ma bien-aimée.
« Le gardien donna un ordre, mais je n’obéis pas, parce
qu’à ce moment je n’étais pas dans l’enfer. Bien que je n’eusse aucun moyen de
savoir si ma femme était vivante ou morte, cela ne changeait rien. Contempler
mentalement son image me rendait ma dignité et ma force. Même quand on retire
tout à un homme, il a encore le bonheur de se rappeler le visage de la personne
qu’il aime, et cela le sauve. »
LE MAITRE
DIT :
« Dorénavant, et pour quelques centaines d’années,
l’univers va boycotter tous ceux qui ont des opinions préconçues.
« L’énergie de la terre exige d’être renouvelée. Les
idées nouvelles ont besoin d’espace. Le corps et l’âme ont soif de nouveaux
défis. L’avenir frappe à notre porte, et toutes les idées – excepté
celles qui reposent sur des préjugés – auront une chance de se
manifester.
« L’important demeurera, l’inutile disparaîtra. Mais
que chacun se contente de juger ses propres conquêtes : nous ne sommes pas
juges des rêves de notre prochain.
« Pour avoir foi dans notre propre chemin, il n’est nul
besoin de prouver que celui de l’autre n’est pas le bon. Celui qui agit ainsi
n’a pas confiance en ses propres pas. »
LA VIE EST A
L’IMAGE d’une grande course cycliste dont le but est pour chacun
l’accomplissement de sa Légende Personnelle.
Sur la ligne de départ, nous sommes tous animés par les
mêmes sentiments de camaraderie et d’enthousiasme. Mais, à mesure que la course
se déroule, la joie initiale fait place aux vrais défis : la fatigue, la
monotonie, les doutes sur nos capacités... Nous constatons que certains amis
ont renoncé à relever le défi – ils courent encore, mais seulement parce
que l’on ne peut pas s’arrêter au beau milieu d’une route. Ils sont nombreux,
ils pédalent à côté de la voiture de secours, ils bavardent entre eux, ils
accomplissent un devoir.
Nous finissons par prendre nos distances ; alors, il
nous faut affronter la solitude, l’imprévu qui surgit des virages inconnus, les
difficultés matérielles causées par notre bicyclette. Finalement, nous nous
demandons si tout cet effort vaut vraiment la peine.
Oui, il en vaut la peine. Simplement, il ne faut pas
renoncer.
LE MAITRE traverse
avec son disciple le désert d’Arabie. Il met à profit chaque moment du voyage
pour lui enseigner ce qu’est la foi. « Ayez confiance en Dieu, dit-il,
Dieu n’abandonne jamais Ses enfants. »
Un soir, au campement, il demande au disciple d’aller
attacher leurs montures à un rocher voisin. Le disciple se souvient alors des
enseignements de son maître. « Il est en train de me mettre à l’épreuve,
pense-t-il. Je dois confier les chevaux à Dieu. » Et il laisse les bêtes
en liberté.
Le lendemain matin, il découvre qu’elles se sont enfuies.
Révolté, il va trouver son maître.
« Vous n’entendez rien à Dieu, s’exclame-t-il. Je Lui
ai confié la garde des chevaux, et les animaux ne sont plus là !
— Dieu voulait prendre soin des chevaux, rétorque le
maître. Mais, à ce moment, Il avait besoin de vos mains pour les
attacher. »
« IL SE
PEUT QUE Jésus ait envoyé en Enfer certains de ses disciples pour sauver des
âmes, dit John. Même en Enfer, tout n’est pas perdu. »
Cette idée surprend le voyageur. John est pompier à Los
Angeles et c’est son jour de congé.
« Pourquoi dites-vous cela ? s’étonne le voyageur.
— Parce que j’ai déjà vécu l’enfer sur cette Terre. Je
pénètre dans des bâtiments en flammes, je vois des gens désespérés qui tentent
de s’échapper, et il m’est très souvent arrivé de risquer ma vie pour les
sauver. Je ne suis qu’une particule dans cet immense univers, forcé d’agir en
héros au milieu de tous les enfers de feu que j’affronte. Si moi, qui ne suis
rien, je parviens à agir de la sorte, imaginez ce que Jésus a dû faire !
Je suis sûr que certains de ses apôtres se sont infiltrés en Enfer pour y
sauver des âmes. »
LE MAITRE
DIT :
« Dans la plupart des civilisations primitives, on
avait coutume d’enterrer les morts en position fœtale. « Il naît à une
nouvelle vie, donc nous devons le placer dans la position qui était la sienne
quand il est venu au monde », pensait-on. Pour ces civilisations, la mort
n’était qu’un pas de plus sur le long chemin de l’univers.
« Peu à peu, le monde a perdu cette vision paisible de
la mort. Mais qu’importe ce que nous pensons, ce que nous faisons, ce en quoi
nous croyons : nous mourrons tous un jour.
« Il vaut mieux, comme les vieux Indiens Yaquis,
prendre la mort pour conseillère. Et toujours nous demander :
« Puisque je vais mourir, que dois-je faire maintenant ? »
LA VIE, ce
n’est pas demander ou donner des conseils. Si nous avons besoin d’aide, il est
préférable d’observer comment les autres résolvent – ou échouent à
résoudre – leurs problèmes.
Notre ange est toujours présent, et très souvent il se sert
des lèvres d’autrui pour nous dire quelque chose. Mais il s’adresse à nous de
manière fortuite, en général au moment où, bien qu’attentifs, nous ne laissons
pas nos préoccupations troubler le miracle de la vie.
Laissons notre ange nous parler de la manière qui lui est
coutumière, quand il pense que c’est nécessaire.
Le maître dit :
« Les conseils sont la théorie de la vie. La pratique
est, en général, très différente. »
UN PRETRE du
Renouveau charismatique de Rio de Janeiro voyageait dans un autocar quand il
entendit une voix lui enjoignant de se lever sans attendre et de prêcher la
parole du Christ. Le prêtre se mit à converser avec la voix :
« On va me trouver ridicule, ce n’est pas un endroit
pour un sermon. »
Mais la voix en lui insistait : il devait prendre la
parole.
« Je suis timide, je vous en prie, ne me demandez pas
cela », implora-t-il.
L’impulsion intérieure persistait.
Alors il se rappela sa promesse : accepter tous les
desseins du Christ. Il se leva, mourant de honte, et commença à parler de
l’Evangile. Tous l’écoutèrent en silence. Il observait chacun des passagers, et
rares étaient ceux qui détournaient le regard. Il dit tout ce qu’il ressentait,
termina son sermon et retourna s’asseoir.
Il ne sait toujours pas aujourd’hui quelle mission il a
accomplie ce jour-là. Mais il a la certitude absolue d’avoir accompli une
mission.
UN SORCIER
AFRICAIN conduit son apprenti dans la forêt. En dépit de son âge, il marche
avec agilité, tandis que l’apprenti glisse et tombe à tout instant. Celui-ci
blasphème, se relève, crache sur le sol qui le trahit, mais continue à suivre
son maître.
Après avoir longtemps marché, ils arrivent dans un lieu
sacré. Sans même s’arrêter, le sorcier fait demi-tour et reprend la route en
sens inverse.
«Vous ne m’avez rien enseigné, aujourd’hui, objecte
l’apprenti, après une nouvelle chute.
— Je vous ai enseigné quelque chose, mais on dirait que
vous n’apprenez rien, réplique le sorcier. J’essaie de vous enseigner comment
on traite les erreurs de la vie.
— Et comment les traite-t-on ?
— De la façon dont vous auriez dû traiter les chutes
que vous avez faites. Au lieu de maudire l’endroit où vous êtes tombé, vous auriez
dû chercher ce qui vous avait fait glisser. »
LE PERE
SUPERIEUR du monastère de Sceta reçut un après-midi la visite d’un ermite.
« Mon conseiller spirituel ne sait comment me diriger,
déclara le nouveau venu. Dois-je le quitter ? »
Le père supérieur ne répondit mot et l’ermite retourna dans
le désert. Une semaine plus tard, il revint.
« Mon conseiller spirituel ne sait comment me diriger,
répéta-t-il. J’ai décidé de le quitter.
— Voilà des paroles sages, conclut le père supérieur.
Quand un homme comprend que son âme n’est pas satisfaite, il ne demande pas de
conseils, il prend les décisions adéquates pour préserver son bout de chemin
dans cette vie. »
UNE JEUNE FEMME
s’approche du voyageur.
« Je veux vous raconter quelque chose, lui dit-elle.
J’ai toujours cru que j’avais un don de guérison, mais je n’avais pas le
courage de m’en servir. Et puis, un jour, mon mari souffrait beaucoup de la
jambe gauche et il n’y avait personne pour l’aider. Alors, mourant de honte,
j’ai décidé de poser mes mains sur sa jambe et de demander que la douleur
cesse.
« J’ai agi ainsi sans croire vraiment que je pourrais
lui venir en aide, et puis je l’ai entendu prier : « Fais, Seigneur,
que ma femme soit capable d’être la messagère de Ta lumière, de Ta
force. » Ma main est devenue très chaude et aussitôt les douleurs ont
disparu.
« Plus tard, je lui ai demandé pourquoi il avait prié
ainsi. Il m’a répondu que c’était pour me donner confiance. Aujourd’hui, je
suis capable de guérir d’autres personnes, grâce à ces mots. »
LE PHILOSOPHE Aristippe
courtisait les puissants à la cour de Denys, tyran de Syracuse.
Un après-midi, il rencontra Diogène en train de se préparer
un modeste plat de lentilles.
« Si tu complimentais Denys, tu ne serais pas obligé de
manger des lentilles, remarqua Aristippe.
— Si tu savais te contenter de manger des lentilles, tu
ne serais pas obligé de complimenter Denys », répliqua Diogène.
Le maître dit :
« Il est vrai que tout a un prix, mais ce prix est
relatif Quand nous suivons nos rêves, nous pouvons donner l’impression que nous
sommes misérables et malheureux. Mais ce que les autres pensent n’a aucune
importance. Ce qui compte, c’est la joie dans notre cœur. »
UN HOMME, qui
vivait en Turquie, entendit parler d’un maître habitant en Perse. Sans hésiter,
il vendit tout ce qu’il possédait, prit congé de sa famille et partit en quête
de la sagesse.
Après des mois de voyage, il trouva enfin la cabane où
vivait le grand maître. Empli de crainte et de respect, il s’en approcha et
frappa.
Le maître ouvrit la porte.
« Je viens de Turquie, lui dit l’homme. J’ai fait ce
long voyage pour vous poser une seule question. »
Le vieillard le regarda, surpris : « Très bien.
Vous pouvez me poser une seule question.
— Je dois exprimer clairement ce que je vais vous
demander. Puis-je poser ma question en turc ?
— Vous le pouvez, répondit le sage. Et j’ai déjà
répondu à votre unique question. Ce que vous voulez savoir d’autre, demandez-le
à votre cœur, il vous donnera la réponse. »
Et il referma la porte.
LE MAITRE
DIT :
« La parole est pouvoir. Les mots transforment le monde
et l’homme.
« Nous avons tous déjà entendu dire : « Il ne
faut pas parler des bonnes choses qui nous arrivent, car l’envie des autres
détruirait notre joie. »
« Il n’en est rien. Les vainqueurs parlent avec fierté
des miracles survenus dans leur existence. Si vous dégagez de l’énergie
positive, elle attirera davantage d’énergie positive encore et elle réjouira
ceux qui vous veulent vraiment du bien.
« Quant aux envieux, aux vaincus, ils ne pourront vous
causer du tort que si vous leur donnez ce pouvoir.
« N’ayez pas peur. Parlez des bonnes choses de votre
vie à qui veut les entendre. L’Ame du Monde a grand besoin de votre
joie. »
IL ETAIT un roi
d’Espagne qui s’enorgueillissait de son lignage, mais qui était aussi réputé
pour sa cruauté envers les faibles gens. Un jour qu’il traversait en Aragon un
champ avec son escorte – des années auparavant, son père était mort à cet
endroit au cours d’une bataille –, il rencontra un saint homme qui
remuait un énorme tas d’ossements.
« Que fais-tu ici ? lui demanda le roi.
— Honneur à Votre Majesté, répondit le saint homme.
Quand j’ai appris que le roi d’Espagne arrivait, j’ai décidé de recueillir les
os de votre défunt père pour vous les remettre. Mais j’ai beau chercher, je ne
les trouve pas : ils sont semblables aux os des paysans, des pauvres, des
mendiants et des esclaves. »
DU POETE afro-américain Langston Hugues :
« Je connais les fleuves.
Je connais des fleuves vieux comme le monde, et plus anciens
que le flux du sang dans les veines humaines.
Mon âme est aussi profonde que les fleuves.
Je me suis baigné dans l’Euphrate, à l’aurore de la
civilisation.
J’ai fait ma cabane au bord du Congo, et ses eaux me
chantaient une berceuse.
J’ai contemplé le Nil, et j’ai construit les pyramides.
J’ai entendu le chant du Mississippi quand Lincoln se rendit
jusqu’à La Nouvelle-Orléans, et j’ai vu ses eaux devenir dorées lorsqu’il se
faisait tard.
Mon âme est devenue aussi profonde que les fleuves. »
« QUI EST le
meilleur au maniement de l’épée ? demanda le guerrier.
— Allez jusqu’au champ qui s’étend près du monastère,
lui répondit son maître. Il y a là un rocher. Insultez-le.
— A quoi bon ? Le rocher ne me répondra pas.
— Alors, attaquez-le avec votre épée.
— Je ne ferai pas cela non plus. Mon épée se briserait,
et, si je l’attaquais à mains nues, je me blesserais les doigts pour rien. Ma
question était tout autre : qui est le meilleur au maniement de
l’épée ?
— Le meilleur est semblable au rocher, répondit le
maître. Sans même dégainer sa lame, il montre que nul ne parviendra à le
vaincre. »
LE VOYAGEUR arrive
à San Martin de Unx, en Navarre, un village qui tombe presque en ruine. Il
finit par découvrir la femme qui garde la clef de la belle église romane. Très
gentiment, elle gravit avec lui les ruelles étroites et lui ouvre la porte.
Le voyageur est ému par l’obscurité et le silence du temple
médiéval. Il bavarde un peu avec la femme et, à un moment, il lui fait
remarquer que, bien qu’il soit midi, on ne distingue pas grand-chose des
splendides œuvres d’art que renferme l’église.
« On ne voit bien les détails qu’au lever du jour, lui
explique-t-elle. La légende veut que ce soit précisément cela que voulaient
nous enseigner les bâtisseurs de cette église : Dieu choisit toujours une
heure précise pour nous montrer Sa gloire. »
LE MAITRE
DIT :
« Il y a deux dieux. Le dieu que nous ont enseigné nos
professeurs, et le Dieu qui nous prodigue Ses enseignements. Le dieu dont les
gens ont coutume de parler, et le Dieu qui nous parle. Le dieu que nous
apprenons à craindre, et le Dieu qui nous parle de miséricorde.
« Il y a deux dieux. Le dieu qui est au plus haut des
deux, et le Dieu qui participe à notre vie quotidienne. Le dieu qui nous fait
payer, et le Dieu qui efface nos dettes. Le dieu qui nous menace des châtiments
de l’Enfer, et le Dieu qui nous montre le meilleur chemin.
« Il y a deux dieux. Le dieu qui nous écrase sous le
poids de nos fautes, et le Dieu qui nous libère par Son amour. »
UN JOUR, on
demanda au sculpteur Michel-Ange comment il faisait pour créer des œuvres aussi
magnifiques.
« C’est très simple, répondit-il. Quand je regarde un
bloc de marbre, je vois la sculpture qui est à l’intérieur. Il ne me reste qu’à
retirer ce qui est en trop. »
Le maître dit :
« Chacun de nous est destiné à créer une œuvre d’art.
Elle est le centre de notre vie et, malgré toutes nos tentatives pour nous le
cacher, nous savons à quel point elle conditionne notre bonheur. En général,
cette œuvre d’art est enfouie sous des années de crainte, de culpabilité et
d’indécision. Mais si nous décidons de retirer cette gangue, si nous ne doutons
pas de nos capacités, nous pouvons mener à bien la mission qui nous a été
assignée. C’est la seule manière de vivre honorablement. »
UN VIEILLARD sur
le point de mourir appelle auprès de lui un jeune homme et lui raconte une
histoire héroïque : au cours d’une guerre, il a aidé un homme à s’enfuir,
lui donnant abri, nourriture et protection. Mais alors qu’ils arrivaient en
lieu sûr, l’autre a décidé de le trahir et l’a livré à l’ennemi.
« Et comment vous êtes-vous échappé ? demande le
jeune homme.
— Je ne me suis pas échappé, je suis l’autre, celui qui
a trahi, avoue le vieillard. Mais lorsque je raconte cette histoire comme si
j’en étais le héros, je comprends mieux tout ce qu’il a fait pour moi. »
LE MAITRE
DIT :
« Nous avons tous besoin d’amour. L’amour fait partie
de la nature humaine, autant que manger, boire et dormir. Il nous arrive de
nous asseoir, seuls, devant un beau coucher de soleil et de penser :
« Toute cette beauté n’a aucune importance, puisque je n’ai personne avec
qui la partager."
« Il faudrait alors nous demander combien de fois,
alors qu’on nous réclamait de l’amour, nous avons détourné la tête. Combien de
fois nous avons eu peur de nous approcher de quelqu’un et de lui avouer sans
façon que nous étions amoureux.
« Gare à la solitude. Telles les drogues les plus
dangereuses, elle crée une dépendance. Si le coucher de soleil semble ne plus
avoir de sens pour vous, faites preuve d’humilité et allez chercher de l’amour.
Sachez que, là comme pour d’autres biens spirituels, plus vous serez disposé à
donner, plus vous recevrez en retour. »
UN MISSIONNAIRE
espagnol qui visitait une île rencontra trois prêtres aztèques.
« Comment priez-vous ? leur demanda-t-il.
— Nous n’avons qu’une seule prière, répondit l’un des
Aztèques. Nous disons : « Dieu, Tu es trois, et nous sommes trois.
Aie pitié de nous."
— Je vais vous enseigner une prière que Dieu
entendra », proposa le missionnaire.
Et il leur apprit une prière catholique, avant de poursuivre
sa route.
Quelques années plus tard, peu avant de retourner en
Espagne, il transita de nouveau par cette île. Tandis que la caravelle
approchait des côtes, le missionnaire vit les trois prêtres marchant sur les
eaux.
« Mon père, mon père ! s’écria l’un d’eux. S’il
vous plaît, enseignez-nous encore la prière que Dieu entend, parce que nous ne
nous en souvenons plus.
— Cela n’a aucune importance », répondit le
prêtre, qui avait assisté au miracle.
Et il demanda pardon à Dieu de ne pas avoir compris qu’il
parlait toutes les langues.
SAINT JEAN DE
LA Croix nous enseigne que, sur notre chemin spirituel, nous ne devons pas
chercher des visions, ni suivre les déclarations de ceux qui sont déjà passés
par là. Seule notre foi doit nous soutenir, parce que la foi est limpide,
transparente ; elle naît en nous et ne peut être confondue.
Un écrivain, qui bavardait avec un prêtre, lui demanda ce
qu’était l’expérience de Dieu.
« Je l’ignore, répondit le prêtre. La seule expérience
que je connaisse jusqu’à présent est celle de ma foi en Dieu. »
C’est cela, le plus important.
LE MAITRE
DIT :
« Le pardon est une route à double sens. Chaque fois
que nous pardonnons à quelqu’un, nous nous pardonnons aussi à nous-mêmes. Si
nous sommes tolérants envers les autres, il nous est plus facile d’accepter nos
propres erreurs. Ainsi, sans culpabilité et sans amertume, nous parvenons à
améliorer notre approche de la vie.
« Lorsque, par faiblesse, nous laissons la haine,
l’envie et l’intolérance vibrer autour de nous, nous risquons d’être consumés
par ces vibrations.
« Pierre demanda au Christ : « Maître,
dois-je pardonner sept fois à mon prochain ? » Et le Christ lui
répondit : « Pas seulement sept, mais soixante-dix fois."
« L’acte du pardon nettoie le plan astral et nous
montre la véritable lumière de la Divinité. »
LE MAITRE
DIT :
« Les maîtres avaient coutume jadis de créer des
« personnages » pour aider leurs disciples à saisir l’aspect le
plus sombre de leur personnalité. Nombre de ces histoires sont devenues de
célèbres contes de fées.
« Le procédé est simple : il vous suffit de placer
toutes vos angoisses, vos peurs, vos déceptions dans un être invisible qui se
tient à votre gauche. Il tient le rôle du « vilain » de votre
existence, vous suggérant sans cesse des attitudes que vous rejetez, mais que
vous finissez par adopter. Une fois créé ce personnage, il est bien plus facile
de ne pas suivre ses conseils.
« C’est extrêmement simple. C’est pourquoi cela
fonctionne très bien. »
« COMMENT
SAVOIR quelle est la meilleure manière d’agir dans la vie ? » demanda
le disciple à son maître.
Le maître lui suggéra de fabriquer une table. Quand la table
fut quasi prête – il ne restait plus qu’à planter les clous dans le
plateau –, le maître s’approcha. Le disciple plantait les clous en trois
coups précis mais, le dernier clou résistant davantage, il dut donner un coup
supplémentaire. Le clou s’enfonça trop profondément, et le bois fut abîmé.
« Votre main était habituée à trois coups de marteau,
fit remarquer le maître. Lorsqu’une action est dirigée par l’habitude, elle
perd son sens, et cela finit par causer des dommages.
« Chaque action est unique, et le seul secret à
connaître est le suivant : ne laissez jamais l’habitude commander vos
actes. »
NON LOIN DE la
ville de Soria, en Espagne, se trouve un vieil ermitage creusé dans le rocher,
où vit depuis des années un homme qui a tout abandonné pour se consacrer à la
contemplation.
Un après-midi d’automne, le voyageur lui rend visite. Il est
reçu selon les règles de l’hospitalité.
Après avoir partagé son morceau de pain, l’ermite lui
propose de l’accompagner jusqu’à un ruisseau voisin pour cueillir quelques
champignons comestibles.
Sur le chemin, un jeune garçon s’approche d’eux :
« Saint homme, j’ai entendu dire que, pour atteindre l’illumination, nous
ne devions pas manger de viande. Est-ce vrai ?
— Accepte avec joie tout ce que la vie t’offre, répond
l’ermite. Tu ne pécheras pas contre l’Esprit, mais tu ne blasphémeras pas non
plus contre la générosité de la terre. »
LE MAITRE
DIT :
« Si vous traversez une passe très difficile, écoutez
votre cœur. Tâchez d’être aussi honnête que possible avec vous-même,
assurez-vous que vous suivez vraiment votre chemin en payant le prix de vos
rêves.
« Si, malgré tout, vous êtes toujours malmené par la
vie, il arrivera un moment où vous devrez vous plaindre. Faites-le avec
respect, comme un enfant se plaint auprès de ses parents ; ne manquez pas
de réclamer un peu plus d’aide et d’attention. Dieu est un père et une mère à
la fois, et les parents attendent toujours le meilleur de leurs enfants. Il se
peut que l’apprentissage soit trop rude, et il ne coûte rien de réclamer un
répit et de l’affection.
« Mais n’exagérez jamais. Job a protesté au bon moment,
et ses biens lui ont été rendus. Al Afid a pris l’habitude de se plaindre de
tout, et Dieu a cessé de l’écouter. »
LES FETES DE
VALENCE, en Espagne, comportent un étrange rituel, élaboré autrefois dans la
corporation des charpentiers.
Tout au long de l’année, artisans et artistes construisent
de gigantesques sculptures en bois. Puis, durant la semaine des festivités, ils
les disposent au centre de la place principale. Les gens passent devant,
discutent, émerveillés, émus par toute cette créativité. Le jour de la
Saint-Joseph, toutes ces œuvres d’art, sauf une, sont brûlées sur un énorme
bûcher, devant des milliers de curieux.
« Pourquoi tant de travail pour rien ? »
demanda une Anglaise, tandis que les flammes immenses s’élevaient vers le ciel.
« Vous aussi, votre fin viendra un jour, lui répondit
une Espagnole. Vous êtes-vous déjà dit qu’à cet instant un ange demanderait à
Dieu : « Pourquoi tant de travail pour rien ? »
UN HOMME fort
pieux se trouva soudain privé de toutes ses richesses. Sachant que Dieu pouvait
lui venir en aide en toutes circonstances, il se mit à prier :
« Seigneur, faites que je gagne à la loterie. »
Pendant des années, il pria et demeura pauvre.
Finalement, le jour de sa mort, comme il était très pieux,
il monta tout droit au ciel. Quand il y arriva, il refusa d’entrer, déclarant
qu’il avait eu beau appliquer toute sa vie les préceptes religieux qu’on lui
avait enseignés, Dieu ne lui avait jamais permis de gagner à la loterie.
« Tout ce que Vous m’avez promis, Seigneur, n’était que
des mensonges, protesta l’homme, révolté.
— J’ai toujours été prêt à vous aider à gagner,
répliqua le Seigneur. Mais vous n’avez jamais acheté un billet de
loterie. »
UN VIEUX SAGE
CHINOIS se promenait dans la campagne enneigée quand il aperçut une femme en
larmes.
« Pourquoi pleures-tu ? lui demanda-t-il.
— Parce que je me souviens du passé, de ma jeunesse, de
la beauté que me renvoyait le miroir, des hommes que j’ai aimés. Dieu a eu la
cruauté de me donner la mémoire. Il savait que je me rappellerais le printemps
de ma vie et que je pleurerais. »
Le sage contempla la campagne enneigée, le regard fixé sur
un point déterminé. A un moment, la femme cessa de se lamenter :
« Que regardez-vous là-bas ? demanda-t-elle.
— Un champ de roses, répondit le sage. Dieu a été
généreux avec moi en me donnant la mémoire. Il savait qu’en hiver je pourrais
toujours me rappeler le printemps, et sourire. »
LE MAITRE
DIT :
« La Légende Personnelle n’est pas aussi simple qu’il y
paraît. La vivre peut constituer une activité dangereuse. Lorsque nous voulons
quelque chose, nous mettons en mouvement des énergies puissantes, et nous ne
pouvons plus nous cacher à nous-mêmes le véritable sens de notre vie. Lorsque
nous désirons quelque chose, nous faisons un choix et nous en payons le prix.
« Poursuivre un rêve a un prix. Cela peut impliquer que
nous abandonnions nos vieilles habitudes, cela peut entraîner pour nous des
difficultés, des déceptions.
«Toutefois, quel que soit ce prix, il ne sera jamais aussi
élevé que celui que payeront ceux qui n’ont pas vécu leur Légende Personnelle.
Un jour, ceux-là regarderont en arrière, ils verront tout ce qu’ils ont fait,
et ils entendront leur cœur dire : « J’ai gaspillé ma vie."
« Croyez-moi, c’est l’une des pires phrases que l’on
puisse entendre. »
DANS L’UN DE
SES LIVRES, Castañeda raconte qu’un jour son maître lui fit mettre sa ceinture
en sens inverse de celui auquel il était habitué.
Castañeda s’exécuta, certain d’acquérir ainsi un puissant
instrument de pouvoir.
Quelques mois plus tard, il expliqua à son maître que, grâce
à cette pratique, il apprenait plus rapidement qu’auparavant.
«J’ai transformé l’énergie négative en énergie
positive », lui dit-il.
Le maître éclata de rire :
« Les ceintures n’ont jamais transformé
l’énergie ! Je vous ai fait faire cela afin que, chaque fois que vous
enfilez votre pantalon, vous vous souveniez que vous faites l’apprentissage de
la magie. C’est la conscience de l’apprentissage qui vous a fait progresser,
non la ceinture. »
UN MAITRE avait
des centaines de disciples. Tous priaient à l’heure dite, sauf un, qui était
ivre en permanence.
Le jour où il sentit sa mort proche, le maître appela
l’ivrogne et lui transmit ses connaissances occultes. Les autres disciples se
rebellèrent :
« Quelle honte ! Nous nous sommes sacrifiés pour
un maître extravagant et incapable de reconnaître nos qualités. »
Le maître dit :
« Je devais révéler ces secrets à un homme que je
connaisse bien. Chez ceux qui semblent très vertueux se cachent en général la
vanité, l’orgueil, l’intolérance. C’est pourquoi j’ai choisi le seul disciple
dont le défaut était visible : l’ivrognerie. »
LE PRETRE cistercien
Marcos Garcia dit :
« Dieu nous prive parfois d’une bénédiction afin que
nous puissions L’appréhender en dehors des demandes et des faveurs. Il sait
jusqu’à quel point Il peut mettre une âme à l’épreuve et n’outrepasse jamais
cette limite.
« Dans ces moments-là, gardons-nous de dire :
« Dieu m’a abandonné. » C’est plutôt nous qui, parfois,
L’abandonnons. Si le Seigneur nous impose une grande épreuve, Il nous donne aussi
pour la surmonter les grâces suffisantes – je dirais même : plus que
suffisantes.
« Lorsque nous nous sentons loin de Sa présence, c’est
à nous de nous demander si nous savons vraiment profiter de ce qu’il a placé
sur notre chemin. »
IL NOUS ARRIVE de
passer des jours, voire des semaines entières, sans recevoir un geste
d’affection de notre prochain. Durant ces périodes difficiles, toute chaleur
humaine s’évanouit et la vie se résume à un rude effort de survie.
Le maître dit :
« Il nous faut alors examiner notre cheminée, y
remettre du bois et tenter d’éclairer la pièce sombre que devient notre
existence. Quand nous entendrons crépiter notre feu, les bûches craquer, les
flammes conter des histoires, l’espoir nous sera rendu.
« Si nous sommes capables d’aimer, nous serons aussi
capables d’être aimés. Ce n’est qu’une question de temps. »
AU COURS D’UN
DÎNER, quelqu’un brisa un verre. « C’est signe de chance »,
entendit-on. Autour de la table, tous les invités connaissaient cette coutume.
« Pourquoi est-ce un signe de chance ? interrogea
un rabbin qui faisait partie des convives.
— Je l’ignore, répondit la femme du voyageur. Peut-être
est-ce ce que l’on disait autrefois pour que l’invité ne se sente pas mal à
l’aise.
— Cette explication n’est pas la bonne, rétorqua le
rabbin. Certaines traditions judaïques veulent que chaque homme dispose d’un
capital de chance, dont il use au cours de sa vie. Il peut faire en sorte que
ce capital fructifie s’il l’utilise uniquement à des fins vraiment nécessaires,
ou bien il peut le gaspiller en vain. Nous, les juifs, nous disons aussi
« bonne chance » quand quelqu’un casse un verre. Mais cela
signifie : « Tant mieux, vous n’avez pas dilapidé votre chance en
cherchant à éviter que ce verre ne se brise. Ainsi, vous pourrez l’utiliser
pour des choses plus importantes. »
L’ABBE ABRAHAM apprit
que, non loin du monastère de Sceta, vivait un ermite qui avait la réputation
d’être un sage. Il alla lui rendre visite et lui demanda :
« Si aujourd’hui vous trouviez une belle femme dans
votre lit, parviendriez-vous à vous convaincre que ce n’est pas une
femme ?
— Non, répondit le sage, mais je parviendrais à me
retenir. »
L’abbé poursuivit :
« Et si vous voyiez des pièces d’or dans le désert,
pourriez-vous regarder cet or comme si c’était des cailloux ?
— Non, dit le sage, mais j’arriverais à me contrôler
pour ne pas m’en emparer. »
L’abbé Abraham insista :
« Et si deux frères venaient vous voir, l’un vous
haïssant et l’autre vous aimant, réussiriez-vous à les traiter avec
équité ? »
Le sage répondit :
« Je souffrirais sans doute intérieurement, mais je
traiterais celui qui m’aime de la même manière que celui qui me déteste. »
Plus tard, l’abbé dit à ses novices : « Je vais
vous expliquer ce qu’est un sage. C’est un homme qui, au lieu d’annihiler ses
passions, parvient à les contenir. »
W. FRASIER a
écrit toute sa vie sur la conquête de l’Ouest américain. Fier de montrer sur
son curriculum vitae qu’il était l’auteur du scénario d’un film dont la vedette
était Gary Cooper, il raconte qu’il n’a réussi que très rarement à se fâcher
avec quelqu’un.
« J’ai beaucoup appris des pionniers, dit-il. Ils
combattaient les Indiens, traversaient les déserts, cherchaient de l’eau et de
la nourriture dans des régions éloignées de tout.
« Dans tous les textes de l’époque, on remarque un fait
étrange : les pionniers ne consignaient que les événements heureux. Plutôt
que de se plaindre, ils composaient des chansons et plaisantaient de leurs
difficultés. Ainsi parvenaient-ils à tenir à distance le découragement et la
dépression.
« Et aujourd’hui, à l’âge de quatre-vingt-huit ans, je
m’efforce d’en faire autant. »
CE TEXTE EST une
adaptation d’un poème de John Muir :
«Je veux libérer mon âme afin qu’elle puisse jouir de tous
les dons que possèdent les esprits.
Lorsque ce sera possible, je ne tenterai pas de connaître
les cratères de la Lune, ni de suivre jusqu’à leur source les rayons du Soleil.
Je ne tenterai pas de comprendre la beauté de l’étoile, ni
la désolation artificielle de l’être humain.
Lorsque je saurai comment libérer mon âme, je suivrai
l’aurore et je remonterai le temps avec elle.
Lorsque je saurai libérer mon âme, je plongerai dans les
courants magnétiques qui se jettent dans un océan où toutes les eaux se
rencontrent pour former l’Ame du Monde.
Lorsque je saurai libérer mon âme, j’essayerai de lire
depuis le début la page splendide de la Création. »
L’UN DES
SYMBOLES consacrés par le christianisme est la figure du pélican. L’explication
en est simple : quand il n’y a plus rien à manger, le pélican plonge son
bec dans sa propre chair pour l’offrir à ses petits.
Le maître dit :
« Souvent, nous sommes incapables de comprendre les
bénédictions que nous recevons. Nous ne percevons pas ce qu’il fait pour nous
assurer notre nourriture spirituelle.
« Une histoire raconte que, par un hiver rigoureux, un
pélican, offrant sa propre chair à ses enfants, réussit à survivre durant
quelques jours à son sacrifice. Lorsque enfin il mourut, l’un des petits dit à
l’autre : « Tant mieux. J’en avais assez de manger tous les jours la
même chose. » »
SI QUELQUE
CHOSE vous laisse insatisfait – même si c’est ce que vous aspiriez à
réaliser, sans y parvenir –, arrêtez-vous sur-le-champ.
Lorsque les choses ne marchent pas, il n’y a que deux
explications : ou bien votre persévérance est mise à l’épreuve, ou bien
vous devez changer de cap.
Pour découvrir quelle option est la bonne, recourez au
silence et à la prière. Peu à peu, tout s’éclaircira de façon mystérieuse,
jusqu’au moment où vous aurez la force de choisir.
Une fois votre décision prise, oubliez totalement
l’hypothèse que vous n’avez pas retenue. Et allez de l’avant, parce que Dieu
est le Dieu des Vaillants.
Domingos Sabino a dit : « Tout finit toujours
bien. Si les choses ne marchent pas convenablement, c’est que vous n’êtes pas
encore arrivé à la fin. »
ALORS QU’IL SE
TROUVAIT à Bahia, le compositeur Nelson Motta décida de rendre visite à Mãe
Menininha do Gantois[1].
Il prit un taxi, mais en chemin les freins de la voiture lâchèrent et elle se
mit à tournoyer à toute vitesse au milieu de la route. Heureusement, il en fut
quitte pour la peur.
Lorsque Nelson rencontra Mãe Menininha, il s’empressa de lui
raconter cet accident évité de justesse.
« Certaines choses sont déjà écrites, mais Dieu se
débrouille pour que nous les vivions sans trop de problèmes. Cela signifie
qu’un accident de voiture faisait partie de votre destin à ce stade de votre
vie, dit Mãe Menininha. Toutefois, comme vous le voyez, conclut-elle, tout est
arrivé, et il ne s’est rien passé. »
« IL
MANQUAIT un élément dans votre causerie sur le chemin de Saint-Jacques »,
dit au voyageur, à la sortie d’une conférence, une femme qui avait fait le
pèlerinage. «J’ai remarqué que la plupart des pèlerins – que ce soit sur
le chemin de Saint-Jacques ou sur les chemins de l’existence –
s’efforcent de suivre le rythme des autres. Au début du pèlerinage, j’essayais
moi aussi de marcher au même pas que mon groupe. Je me fatiguais, j’exigeais de
mon corps plus qu’il ne pouvait donner, j’étais tendue, et finalement j’ai eu
des problèmes de tendons au pied gauche. Immobilisée pendant deux jours, j’ai
compris que je n’arriverais à Saint-Jacques que si je suivais mon propre
rythme.
«J’ai mis plus de temps que les autres, j’ai dû marcher
seule très souvent, mais j’ai pu aller jusqu’au bout uniquement parce que j’ai
respecté mon rythme. Désormais, j’applique cette leçon à tout ce que je dois
faire. »
CRESUS, ROI DE
LYDIE, avait pris la décision d’attaquer les Perses, mais il voulut auparavant
consulter un oracle grec.
« Votre destin est de détruire un grand empire »,
lui annonça ce dernier.
Satisfait, Crésus déclara la guerre. Après deux jours de
combats, la Lydie fut envahie par les Perses, sa capitale saccagée, et Crésus
fait prisonnier. Révolté, il chargea son ambassadeur en Grèce de retourner voir
l’oracle pour lui dire qu’il les avait trompés.
«Non, vous n’avez pas été trompés, répliqua celui-ci. Vous
avez effectivement détruit un grand empire : la Lydie. »
Le maître dit :
« Le langage des signes est là pour nous enseigner la
meilleure manière d’agir. Mais, très souvent, nous en déformons le sens pour
qu’ils concordent avec ce que nous avons l’intention de faire. »
BUSCAGLIA
RACONTE l’histoire du quatrième Roi mage. Lui aussi avait vu l’étoile briller
au-dessus de Bethléem, mais il arrivait toujours trop tard sur les traces de
Jésus car les pauvres et les miséreux l’arrêtaient sans cesse pour implorer son
aide.
Au bout de trente ans, après avoir marché sur les pas de
Jésus à travers l’Egypte, la Galilée, puis à Béthanie, le Roi mage entre à
Jérusalem ; mais l’enfant est devenu un homme, et l’on est en train de le
crucifier. Le Roi mage, qui avait acheté des perles pour les offrir au Christ,
a dû les vendre presque toutes afin de porter assistance à ceux qu’il a rencontrés
en chemin. Il ne lui en reste qu’une, mais le Sauveur est déjà mort.
« J’ai échoué dans ma mission », songe-t-il.
Et, à cet instant, il entend une voix :
« Contrairement à ce que tu penses, tu m’as rencontré
toute ta vie. J’étais nu, et tu m’as vêtu. J’avais faim, et tu m’as donné à
manger. J’étais prisonnier, et tu m’as rendu visite. J’étais dans tous les
pauvres que tu as croisés sur ta route. Merci pour tous ces présents
d’amour. »
UNE HISTOIRE de
science-fiction met en scène une société dans laquelle presque tous les
individus naissent prêts à remplir une fonction – technicien, ingénieur
ou mécanicien... Seuls quelques-uns n’ont à la naissance aucune
compétence ; on les envoie dans un asile de fous, puisque seuls les fous
sont incapables d’apporter la moindre contribution à la société.
Un jour, l’un de ces fous se rebelle. L’asile disposant
d’une bibliothèque, il s’efforce d’acquérir toutes sortes de connaissances en
matière de science et d’art. Lorsqu’il pense en savoir assez, il décide de
s’enfuir, mais on le rattrape et on l’envoie dans un centre d’études en dehors
de la ville.
« Soyez le bienvenu, lui dit alors l’un des
responsables du centre. Ceux qui ont été forcés de découvrir leur propre chemin
sont justement ceux que nous admirons le plus. A partir de maintenant, vous
pouvez faire ce que vous voudrez, car c’est grâce à des gens comme vous que le
mondé peut avancer. »
AVANT DE PARTIR
pour un long voyage, un commerçant alla prendre congé de sa femme.
« Tu ne m’as jamais offert les cadeaux que j’aurais
mérités, lui reprocha-t-elle.
— Femme ingrate, tout ce que je t’ai donné m’a coûté
des années de travail, rétorqua-t-il. Que pourrais-je te donner de plus ?
— Un objet aussi beau que moi. »
Pendant deux ans, la femme attendit son cadeau. Enfin, le
commerçant revint.
« J’ai pleuré sur ton ingratitude, mais j’ai décidé de
réaliser ton désir, lui dit-il. Je me suis demandé tout ce temps quel cadeau
pourrait être aussi beau que toi, et je l’ai enfin trouvé. »
Et il lui tendit un petit miroir.
LE PHILOSOPHE allemand
Friedrich Nietzsche a dit un jour :
« Il est vain de peser sans cesse le pour et le
contre ; se tromper de temps à autre fait partie de la condition
humaine. ».
Le maître dit :
« Il y a des gens qui mettent leur point d’honneur à
avoir raison jusque dans les moindres détails. Nous-mêmes, très souvent, nous
ne nous permettons pas de commettre une erreur. Tout ce que l’on obtient par
cette attitude, c’est la crainte d’aller de l’avant.
« La peur de se tromper est la porte qui nous enferme
dans le château de la médiocrité. Si nous parvenons à la vaincre, nous faisons
un pas décisif vers notre liberté. »
UN NOVICE demanda
à l’abbé Nisteros, au monastère de Sceta :
« Que dois-je faire pour plaire à Dieu ? »
Il reçut cette réponse :
« Abraham acceptait les étrangers, et Dieu fut content.
Elie n’aimait pas les étrangers, et Dieu fut content. David était fier de ses
actes, et Dieu fut content. Le publicain devant l’autel avait honte de ses
actes, et Dieu fut content. Jean-Baptiste se retira au désert, et Dieu fut
content. Jonas se rendit dans la grande cité de Ninive, et Dieu fut content.
« Demandez à votre âme ce qu’elle souhaite. Que votre
âme soit en accord avec vos rêves, voilà ce qui plaît à Dieu. »
UN MAITRE
BOUDDHISTE voyageait à pied avec ses disciples quand il s’aperçut que ceux-ci
débattaient pour savoir lequel d’entre eux était le meilleur.
«Je pratique la méditation depuis quinze ans, disait l’un.
— Je fais la charité depuis que j’ai quitté la maison
de mes parents, renchérissait un autre.
— J’ai toujours suivi les enseignements du Bouddha,
affirmait un troisième.
A midi, ils firent halte sous un pommier pour se reposer.
Les branches dé l’arbre ployaient sous le poids des fruits.
Alors le maître prit la parole :
« Quand un arbre est chargé de fruits, ses branches
ploient et touchent le sol. De même, le véritable sage est humble.
« Quand un arbre n’a pas de fruits, ses branches se
dressent, arrogantes et hautaines. De même, l’imbécile se croit toujours
meilleur que son prochain. »
AU COURS DE la
Cène, Jésus accusa, avec la même gravité et dans la même phrase, deux de ses
apôtres. L’un et l’autre commettraient les crimes qu’il avait prévus.
Judas l’Iscariote reconnut sa faute et se condamna. Pierre
également reconnut sa faute, une fois qu’il eut renié par trois fois ce en quoi
il croyait.
Cependant, au moment décisif, Pierre comprit la véritable
signification du message de Jésus. Il demanda pardon et il poursuivit son
chemin, malgré l’humiliation.
Lui aussi aurait pu choisir le suicide. Au lieu de cela, il
affronta les autres apôtres et leur dit probablement quelque chose du
genre : « O.K., vous pouvez parler de ma faute tant que durera
l’espèce humaine. Mais laissez-moi la corriger. »
Pierre avait compris que l’Amour pardonne. Judas n’avait
rien compris.
UN ECRIVAIN
CELEBRE se promenait avec un ami quand sous ses yeux un gamin traversa la rue
sans voir le camion qui arrivait à toute vitesse. En une fraction de seconde, l’écrivain
se jeta au-devant du véhicule et sauva l’enfant. Pourtant, avant de laisser
quiconque le féliciter pour cet acte héroïque, il gifla le garçon.
«Ne te laisse pas tromper par les apparences, mon petit, lui
dit-il. Je t’ai sauvé uniquement pour que tu ne puisses pas fuir les problèmes
que tu rencontreras lorsque tu seras devenu adulte. »
Le maître dit :
« Quelquefois, nous avons honte de faire le bien. Notre
sentiment de culpabilité nous incite à penser que, lorsque nous agissons avec
générosité, nous cherchons à impressionner les autres ou à
« suborner » Dieu. Il nous semble difficile d’accepter que notre
nature est essentiellement bonne. Nous dissimulons nos bonnes actions sous
l’ironie et l’indifférence, comme si l’amour était synonyme de
faiblesse. »
IL REGARDA la
table devant Lui, y cherchant le symbole le plus approprié de son passage sur
terre. Là se trouvaient les grenades de Galilée, les épices du Sud, les fruits
secs de Syrie, les dattes d’Egypte.
Il allait tendre la main afin de consacrer l’un de ces
fruits quand soudain Il se rappela que le message qu’il apportait était destiné
à tous les hommes, partout dans le monde. Peut-être les grenades et les dattes
n’existaient-elles pas dans certaines contrées.
Il regarda autour de Lui, et une autre idée Lui vint :
dans les grenades, dans les dattes, dans les fruits, le miracle de la Création
se manifestait naturellement, sans aucune intervention humaine.
Alors Il prit le pain, rendit grâce, le partagea et l’offrit
à ses disciples avec ces mots : « Prenez et mangez-en tous, car ceci
est Mon corps. » Parce que le pain était partout. Et que le pain,
contrairement aux dattes, aux grenades et aux fruits de Syrie, était le
meilleur symbole du chemin menant à Dieu.
Le pain était le fruit de la terre et du travail de l’homme.
LE JONGLEUR s’immobilise
au milieu de la place, prend trois oranges et se met à les lancer en l’air. Les
gens se rassemblent autour de lui et admirent la grâce et l’élégance de ses
gestes.
« La vie est plus ou moins à cette image, dit quelqu’un
au voyageur. Nous tenons toujours une orange dans chaque main pendant qu’une
autre est en l’air. Mais c’est cette dernière qui fait la différence. Elle a
beau avoir été lancée avec habileté et expérience, elle suit son propre
parcours. »
Tel le jongleur, nous lançons un rêve dans le monde, et nous
ne le contrôlons pas toujours. Dans ces moments-là, nous devons savoir nous en
remettre à Dieu, Lui demander que ce rêve accomplisse avec dignité son chemin
et, au bon moment, retombe réalisé entre nos mains.
L’UN DES
EXERCICES de développement personnel les plus efficaces consiste à prêter
attention aux gestes que nous faisons machinalement – par exemple,
respirer, cligner des yeux, remarquer les objets qui nous entourent.
Ce faisant, nous permettons à notre cerveau de travailler
plus librement, sans l’interférence de nos désirs. Certains problèmes qui
paraissaient insolubles finissent par se résoudre, certaines difficultés que
nous pensions insurmontables finissent par se dissiper sans effort.
Le maître dit :
« Lorsque vous devez affronter une situation délicate,
efforcez-vous de recourir à cette technique. Elle exige un peu de discipline,
mais les résultats peuvent se révéler surprenants. »
UN INDIVIDU vend
des vases au marché.
Une femme s’approche et observe la marchandise. Certains
vases ne portent aucune décoration, d’autres sont ornés de dessins réalisés
avec soin.
La femme demande combien ils coûtent. A son grand
étonnement, elle apprend qu’ils ont tous le même prix.
« Comment un vase décoré peut-il coûter autant qu’un
autre plus simple ? demande-t-elle. Pourquoi réclamer la même somme pour
un vase dont la fabrication a nécessité plus de temps et d’efforts ?
— Je suis un artiste, lui répond le vendeur. Je peux
donner un prix au vase que j’ai fabriqué, mais pas à la beauté. La beauté est
gratuite. »
LE VOYAGEUR,
qui venait d’assister à la messe, était assis, tout seul. Soudain, un ami
l’aborda :
« J’ai grand besoin de vous parler. »
Le voyageur vit dans cette rencontre un signe, et il en fut
si enthousiasmé qu’il se mit à parler de tout ce qu’il jugeait important :
les bénédictions de Dieu, l’amour – et il expliqua à son ami qu’il était
un signe envoyé par son ange, puisque quelques instants auparavant il se
sentait seul alors qu’à présent il avait de la compagnie.
L’ami l’écouta en silence, le remercia, puis s’en alla.
Le voyageur perdit alors sa joie et se sentit plus solitaire
que jamais. Plus tard, il se rendit compte que, dans son enthousiasme, il
n’avait prêté aucune attention à la demande de son ami.
Il baissa les yeux au sol et il vit ses mots jetés au beau
milieu de la rue, parce que l’univers, à ce moment-là, souhaitait autre chose.
TROIS FEES étaient
invitées au baptême d’un prince. La première lui offrit le don de rencontrer
l’amour. La deuxième, la fortune pour réaliser ses souhaits. La troisième, la
beauté. Puis, comme dans tous les contes pour enfants, apparut la sorcière.
Furieuse de n’avoir pas été invitée, elle jeta au prince un mauvais sort :
« Puisque tu as déjà tout, je vais te donner plus
encore : tu seras talentueux dans tout ce que tu entreprendras. »
Le prince grandit et devint beau, riche et amoureux. Mais il
ne parvint pas à accomplir sa mission sur la terre. Excellent peintre,
sculpteur, écrivain, musicien, mathématicien, il ne réussissait jamais à
terminer une tâche car, très vite distrait, il voulait aussitôt en entreprendre
une autre.
Le maître dit :
« Tous les chemins mènent au même endroit. Mais
choisissez le vôtre, et allez jusqu’au bout. N’essayez pas de parcourir tous
les chemins. »
UN TEXTE
ANONYME du XVIIIe siècle évoque un moine russe qui était à la recherche d’un
guide spirituel. Apprenant un jour l’existence d’un ermite qui se consacrait
nuit et jour au salut de son âme, il alla trouver le saint homme.
« Je veux que vous me guidiez sur les chemins de l’âme,
lui dit le moine.
— L’âme a son propre chemin, et c’est l’ange qui la
guide, repartit l’ermite. Priez sans arrêt.
— Je ne sais pas prier de cette manière. Je veux que
vous m’appreniez.
— Si vous ne savez pas prier sans arrêt, alors priez
Dieu pour qu’il vous apprenne à le faire.
— Mais vous ne m’enseignez rien ! s’exclama le
moine.
— Il n’y a rien à enseigner, on ne peut pas transmettre
la foi comme on transmet des connaissances en mathématiques. Acceptez le
mystère de la foi, et l’univers vous sera révélé. »
ANTONIO MACHADO
dit :
« Coup par coup,
pas à pas,
Voyageur, il n’y a pas
de chemin,
le chemin se fait en
marchant.
Le chemin se fait en
marchant
et si l’on regarde en
arrière
on voit le sentier que
jamais
on ne foulera de
nouveau.
Voyageur, il n’est pas
de chemin,
le chemin se fait en
marchant. »
LE MAITRE
DIT :
« Ecrivez ! Une lettre, un journal ou jetez
quelques notes sur le papier en parlant au téléphone, mais écrivez !
Ecrire nous rapproche de Dieu et de notre prochain. Si vous voulez mieux
comprendre votre rôle en ce monde, écrivez.
« Efforcez-vous de mettre votre âme par écrit, même si
personne ne vous lit – ou, pis, même si quelqu’un finit par lire ce que
vous vouliez garder secret. Le simple fait d’écrire nous aide à organiser notre
pensée et à discerner clairement ce qui se trouve autour de nous. Un papier et
un stylo opèrent des miracles – ils soignent les douleurs, réalisent les
rêves, restituent l’espoir perdu.
« Les mots ont un pouvoir. »
LES PERES DU
DESERT affirmaient qu’il fallait laisser agir la main des anges. C’est
pourquoi, de temps à autre, ils se livraient à des actes absurdes – par
exemple, parler aux fleurs ou rire sans raison. Les alchimistes suivent les
« signes de Dieu », des pistes souvent dépourvues de sens mais qui
finissent par mener quelque part. Le maître dit :
«N’ayez pas peur que l’on vous traite de fou. Faites
aujourd’hui une action qui n’a rien à voir avec la logique que vous avez
apprise. Délaissez un peu le comportement sérieux que l’on vous a inculqué. Ce
geste, si dérisoire soit-il, peut vous ouvrir les portes d’une grande aventure
humaine et spirituelle. »
UN INDIVIDU se
trouve au volant d’une luxueuse Mercedes-Benz quand un pneu crève. Alors qu’il
s’apprête à le changer, il constate qu’il n’a pas de cric.
« Bon, je vais marcher jusqu’à la maison la plus proche
et demander si l’on peut m’en prêter un », pense-t-il. Et il s’en va
chercher du secours. « Peut-être que l’autre, vu la marque de ma voiture,
voudra me faire payer pour le cric, se dit-il. Avec une voiture pareille, et
comme je suis en position de demandeur, il va me réclamer dix dollars. Non,
peut-être même cinquante, parce qu’il sait que j’en ai besoin. Il va en
profiter, il est capable d’exiger jusqu’à cent dollars. »
Et plus l’homme marche, plus le prix du cric augmente.
Lorsqu’il arrive devant la maison et que le propriétaire lui
ouvre la porte, l’individu s’écrie :
« Vous êtes un voleur ! Un cric ne vaut pas ce
prix-là ! Vous pouvez le garder, votre cric ! »
Lequel d’entre nous oserait affirmer qu’il ne s’est jamais
comporté ainsi ?
MILTON ERICKSON
a inventé une thérapie qui a déjà fait des milliers d’adeptes aux Etats-Unis. A
l’âge de douze ans, il contracta la poliomyélite. Dix mois plus tard, il
entendit un médecin dire à ses parents : « Votre fils ne passera pas
la nuit. »
Erickson entendit sa mère pleurer. « Qui sait ? Si
je passe la nuit, peut-être ne souffrira-t-elle pas autant », pensa-t-il.
Et il décida de ne pas dormir jusqu’au lever du jour. Le lendemain matin, il
cria à sa mère : « Tu vois, je suis toujours en vie ! »
La joie fut si grande dans la maison qu’il décida de tenir
bon de jour en jour afin de remettre à plus tard la souffrance de ses parents.
Il mourut en 1990, à l’âge de soixante-quinze ans, laissant
un ensemble d’ouvrages essentiels sur l’extrême capacité que possède l’homme de
dépasser ses propres limites.
« SAINT
HOMME, dit le novice au père supérieur, mon cœur est empli d’amour et mon âme
n’est pas corrompue par les tentations du Diable. Quelle est pour moi la
prochaine étape ? »
L’abbé demanda à son disciple de l’accompagner dans sa
visite auprès d’un malade auquel il devait donner l’extrême-onction. Après
qu’ils eurent réconforté la famille, l’abbé remarqua une malle dans un recoin
de la maison.
« Qu’y a-t-il dans cette malle ? demanda-t-il.
— Des vêtements que mon oncle n’a jamais portés,
répondit le neveu du défunt. Il avait toujours pensé que l’occasion se
présenterait de les mettre, mais ils ont fini par pourrir. »
« N’oubliez pas cette malle », dit le père
supérieur à son disciple, quand ils furent sortis. « Si vous avez dans le
cœur des trésors spirituels, mettez-les en pratique tout de suite, ou bien ils
pourriront. »
SELON LES
MYSTIQUES, lorsque nous entreprenons notre chemin spirituel, nous sommes si
désireux de parler à Dieu que nous n’écoutons pas ce que Lui a à nous dire. Le
maître dit :
« Détendez-vous un peu. Ce n’est pas si facile. Par
nature, nous avons besoin de toujours bien faire, et nous pensons que nous y
parviendrons si nous travaillons sans répit.
« Il est important de tenter, de chuter, de nous
relever et de poursuivre. Mais laissons Dieu nous aider. Au milieu d’un grand
effort, regardons en nous-mêmes et laissons-Le Se révéler et nous guider.
« Permettons-Lui, de temps à autre, de nous prendre sur
Ses genoux. »
UN ABBE du
monastère de Sceta reçut un jour la visite d’un jeune homme désireux de suivre
la voie spirituelle.
« Pendant une période d’un an, donnez une pièce à
quiconque vous agressera », lui recommanda l’abbé.
Pendant douze mois, le garçon s’exécuta. A la fin de
l’année, il retourna voir l’abbé pour connaître l’étape suivante.
« Allez en ville acheter de la nourriture pour
moi », lui dit ce dernier.
Sitôt le garçon parti, l’abbé se déguisa en mendiant et,
prenant un raccourci, il se rendit à la porte de la cité. Lorsqu’il vit le
jeune homme s’approcher, il se mit à l’insulter.
« Formidable ! s’exclama celui-ci. Pendant toute
une année, j’ai dû payer tous ceux qui m’agressaient. A présent, je peux être
agressé gratuitement, sans que cela me coûte un sou ! »
Entendant cela, l’abbé ôta son déguisement.
« Vous êtes prêt pour l’étape suivante, lui dit-il,
vous parvenez à rire de vos problèmes. »
LE VOYAGEUR se
promenait avec deux amis dans les rues de New York lorsque soudain, au milieu
d’une conversation banale, ceux-ci se mirent à se disputer, prêts à en venir
aux mains.
Plus tard, lorsque les esprits furent apaisés, ils
s’attablèrent dans un bar. L’un d’eux présenta ses excuses à l’autre :
« J’ai remarqué qu’il était beaucoup plus facile de blesser les gens qui
nous sont proches, dit-il. Si vous aviez été un étranger pour moi, je me serais
contrôlé davantage. Mais justement, comme nous sommes amis et que vous me
comprenez mieux que quiconque, j’ai fini par me montrer très agressif. Telle
est la nature humaine. » Telle est peut-être la nature humaine, il n’en
demeure pas moins que nous devons lutter contre cette tendance.
IL Y A DES
MOMENTS où, malgré notre désir de venir en aide à une personne en particulier,
nous ne pouvons rien faire. Ou bien les circonstances ne nous permettent pas de
l’approcher, ou bien la personne est fermée à tout geste de solidarité et de
soutien. Le maître dit :
« Il nous reste l’amour. Dans les moments où tout le
reste est inutile, nous pouvons encore aimer, sans attendre de récompense, de
changement, de remerciements.
« Si nous parvenons à agir ainsi, l’énergie de l’amour
commence à transformer l’univers qui nous entoure. Lorsque cette énergie
apparaît, elle fait toujours son travail. »
LE POETE John
Keats (1795-1821) donne une belle définition de la poésie – que nous
pouvons aussi entendre, si nous le voulons, comme une définition de la
vie :
« La poésie doit nous surprendre par son excès délicat,
et non parce qu’elle est différente. Les vers doivent toucher notre frère comme
si c’étaient ses propres mots, comme s’il se souvenait de quelque chose que,
dans la nuit des temps, il connaissait déjà dans son cœur.
« La beauté d’un poème n’est pas dans la capacité qu’il
a de faire plaisir au lecteur. La poésie est toujours une surprise, capable de
nous couper la respiration à certains moments. Elle doit demeurer dans nos vies
comme le coucher de soleil : miraculeux et naturel en même temps. »
IL Y A QUINZE
ANS, à une époque de profonde négation de la foi, le voyageur se trouvait avec
sa femme et une amie dans un restaurant à Rio de Janeiro. Ils avaient un peu bu
quand survint un ancien compagnon, avec lequel ils avaient partagé les folies
des années 1960 et 1970.
« Que fais-tu à présent ? demanda le voyageur.
— Je suis prêtre », répondit l’ami.
Quand ils sortirent du restaurant, le voyageur montra du
doigt un enfant qui dormait sur le trottoir.
« Tu vois comment Jésus se soucie du monde ?
fit-il.
— Bien sûr que je le vois ! répondit le prêtre. Il
t’a mis cet enfant sous les yeux pour s’assurer que tu le voies et que tu
puisses faire quelque chose. »
UN GROUPE DE
SAGES JUIFS se réunit pour tenter d’élaborer la Constitution la plus courte du
monde. Si, dans le laps de temps qu’il faut à un homme pour se tenir en
équilibre sur un pied, l’un d’eux était capable de définir les lois devant
régir le comportement humain, il serait considéré comme le plus grand des
sages.
« Dieu punit les criminels », dit l’un.
Les autres objectèrent que ce n’était pas une loi, mais une
menace ; et la phrase ne fut pas retenue.
A cet instant se présenta le rabbin Hillel. Debout sur un
pied, il déclara :
« Ne fais pas à ton prochain ce que tu détesterais
qu’on te fasse ; voilà la Loi. Tout le reste n’est que commentaire
juridique. »
Et le rabbin Hillel fut considéré comme le plus grand sage
de son temps.
L’ECRIVAIN
George Bernard Shaw remarqua chez son ami le sculpteur Jacob Epstein un gros
bloc de pierre.
« Qu’allez-vous faire de ce bloc ? demanda Shaw.
— Je ne sais pas encore, je suis en train d’y
réfléchir. »
Shaw se montra surpris : « Cela signifie-t-il que
vous planifiez votre inspiration ? Ne savez-vous pas qu’un artiste doit
être libre de changer d’avis quand il le désire ?
— C’est exact quand vous n’avez, si vous changez
d’avis, qu’à déchirer une feuille de papier de cinq grammes. Quand vous avez
affaire à un bloc de quatre tonnes, vous devez procéder autrement »,
expliqua Epstein.
Le maître dit :
« Chacun de nous connaît la meilleure manière de faire
son travail. Seul celui qui réalise une tâche en connaît les problèmes
particuliers. »
FRERE JEAN
PENSA : « Je voudrais ressembler aux anges, qui ne font rien et
passent leur temps à contempler la gloire de Dieu. » Le soir même, il
quitta le monastère de Sceta et s’en fut dans le désert.
Une semaine plus tard, il revint. Le frère portier
l’entendit frapper à l’entrée et demanda qui était là. « Je suis frère
Jean, répondit-il. J’ai faim.
— Impossible, objecta le frère portier. Frère Jean se
trouve dans le désert, il se change en ange. Il ne sent plus la faim, et il n’a
nul besoin de travailler pour se nourrir.
— Pardonnez mon orgueil, reprit frère Jean. Les anges
assistent les hommes. Tel est leur travail, c’est pourquoi ils contemplent la
gloire de Dieu. Je peux contempler cette gloire tout en faisant mon labeur quotidien. »
En entendant ces paroles d’humilité, le frère ouvrit la
porte du monastère.
DE TOUTES LES
PUISSANTES ARMES de destruction que l’homme a été capable d’inventer, la plus
terrible, et la plus lâche, est la parole.
Les poignards et les armes à feu laissent des traces de
sang. Les bombes détruisent des édifices et des rues. Les poisons peuvent être
détectés.
Le maître dit :
«La parole peut détruire sans laisser de trace. Des enfants
sont conditionnés pendant des années par leurs parents, des hommes impitoyablement
critiqués, des femmes systématiquement massacrées par les commentaires de leurs
conjoints. Des fidèles sont maintenus loin de la religion par ceux qui se
jugent capables d’interpréter la voix de Dieu.
« Veillez à ne pas utiliser cette arme. Veillez à ce
qu’on n’utilise pas cette arme contre vous. »
WILIAMS ESSAIE de
décrire une situation très étrange :
« Imaginez une vie de perfection. Vous êtes dans un
monde parfait, avec des gens parfaits, vous avez tout ce que vous voulez, tout
le monde fait tout parfaitement, au bon moment. Dans ce monde, vous avez tout
ce que vous désirez exactement comme vous l’avez rêvé. Et vous pouvez vivre
aussi longtemps que vous le souhaitez.
« Imaginez qu’au bout de cent ou deux cents ans vous
vous asseyiez sur un banc d’une propreté immaculée dans un cadre magnifique, et
que vous pensiez : « Quel ennui ! Il manque
l’émotion ! » A cet instant, vous voyez devant vous un bouton
rouge sur lequel est écrit : « Surprise ».
« Après avoir considéré tout ce que ce mot signifie,
appuyez-vous sur le bouton ? Evidemment ! Alors vous entrez dans un
tunnel noir, et vous en ressortez dans le monde où vous vivez en ce
moment. »
UNE LEGENDE du
désert raconte l’histoire d’un homme sur le point de changer d’oasis, qui
chargeait ses bagages sur son chameau. Il empila les tapis, les ustensiles de
cuisine, les malles de vêtements, et le chameau tint bon.
Au moment de partir, l’homme se souvint d’une belle plume
bleue que son père lui avait offerte. Il décida de l’emporter elle aussi et la
posa sur la monture. A cet instant, l’animal s’effondra sous le poids et
mourut.
« Mon chameau n’a pas supporté le poids d’une
plume », a sans doute pensé l’homme.
Parfois, nous disons la même chose de notre prochain, sans
comprendre que notre plaisanterie a peut-être été la goutte d’eau qui a fait
déborder le vase de la souffrance.
« ON
S’HABITUE parfois tellement à ce que l’on voit dans les films que l’on en vient
à oublier la véritable histoire », fait remarquer quelqu’un au voyageur,
tandis qu’il contemple le port de Miami. « Vous souvenez-vous des Dix
Commandements ?
— Bien sûr. Moïse – Charlton Heston –
lève son bâton, les eaux s’écartent, et le peuple hébreu traverse la mer Rouge.
— Dans la Bible, c’est différent, dit l’autre. Là, Dieu
ordonne à Moïse : « Dis aux fils d’Israël de se mettre en
marche. » C’est seulement une fois qu’ils ont commencé à marcher que
Moïse lève son bâton et que la mer Rouge s’écarte. Parce que seul le courage
sur le chemin permet au chemin de se manifester. »
CE FRAGMENT a
été écrit par le violoncelliste Pablo Casais :
« Je suis perpétuellement en train de renaître. Chaque
matin est le moment de recommencer à vivre. Il y a quatre-vingts ans que je
débute la journée de la même manière, et ce n’est pas une routine mécanique,
mais quelque chose d’essentiel à mon bonheur.
« Je me réveille, je me mets au piano, je joue deux
préludes et une fugue de Bach. Ces morceaux fonctionnent comme une bénédiction
pour ma maison, mais c’est aussi une manière de reprendre contact avec le mystère
de la vie, avec le miracle de faire partie de l’espèce humaine.
«Bien que j’agisse ainsi depuis quatre-vingts ans, la
musique que je joue n’est jamais la même, elle m’apprend toujours quelque chose
de nouveau, de fantastique, d’incroyable. »
LE MAITRE
DIT :
« D’une part, nous savons qu’il est important de
chercher Dieu. De l’autre, la vie nous éloigne de Lui. Nous nous sentons
ignorés par la Divinité, ou bien nous sommes accaparés par notre quotidien. Il
en résulte un sentiment de culpabilité : nous pensons soit que nous
renonçons à la vie à cause de Dieu, soit que nous renonçons à Dieu à cause de
la vie. Ce conflit apparent est une illusion : Dieu est dans la vie, et la
vie est en Dieu. Il suffit d’en avoir conscience pour mieux comprendre le destin.
Si nous parvenons à pénétrer dans l’harmonie sacrée de notre quotidien, nous
serons toujours sur la bonne voie, et nous accomplirons notre tâche. »
LA PHRASE EST de
Pablo Picasso : « Dieu est un artiste. Il a inventé la girafe,
l’éléphant et la fourmi. En vérité, il n’a jamais cherché à se donner un style,
il a simplement fait tout ce qu’il avait envie de faire. »
Le maître dit :
« Quand nous faisons nos premiers pas sur notre chemin,
une grande peur nous saisit. Nous nous sentons obligés de tout faire à la
perfection. Mais au bout du compte, puisque chacun de nous n’a qu’une vie, qui
a invente le modèle de cette « perfection » ? Dieu a bien fait
la girafe, l’éléphant et la fourmi – pourquoi aurions-nous besoin de
suivre un modèle ?
« La seule utilité du modèle est de montrer comment les
autres définissent leur propre réalité. Très souvent, nous admirons leurs
modèles et nous sommes en mesure d’éviter les erreurs qu’ils ont déjà commises.
Mais quant à vivre, eh bien, cela relève de notre seule compétence. »
PLUSIEURS JUIFS
PIEUX priaient dans une synagogue quand ils entendirent une voix d’enfant qui
disait : « A, B, C, D. »
Ils tentèrent de se concentrer sur les versets sacrés, mais
la voix répétait : « A, B, C, D. »
Peu à peu, ils cessèrent de prier. Quand ils se
retournèrent, ils virent un jeune garçon qui répétait encore : « A,
B, C, D. »
Le rabbin s’approcha du gamin.
« Pourquoi fais-tu cela ? lui demanda-t-il.
— Parce que je ne connais pas les versets sacrés,
répondit l’enfant. Alors, j’espère que si je récite l’alphabet, Dieu prendra
les lettres pour former les mots qui conviennent.
— Merci pour cette leçon, dit le rabbin. Puissé-je
confier à Dieu mes jours sur cette terre de la même manière que tu lui confies
tes lettres. »
LE MAITRE
DIT :
« L’esprit de Dieu présent en nous peut être décrit
comme un écran de cinéma. Diverses situations y sont présentées : des gens
s’aiment, des gens se séparent, on découvre des trésors, on explore des pays
lointains.
« Quel que soit le film projeté, l’écran demeure toujours
le même. Peu importe que les larmes roulent ou que le sang coule, rien ne peut
atteindre la blancheur de la toile.
« Tel l’écran de cinéma, Dieu est là, derrière tous les
malheurs et toutes les extases de la vie. Nous Le verrons tous lorsque notre
film se terminera. »
UN ARCHER se
promenait dans les environs d’un monastère hindou réputé pour la sévérité de
ses enseignements lorsqu’il aperçut dans le jardin les moines qui buvaient et
s’amusaient.
« Comment ceux qui cherchent le chemin de Dieu
peuvent-ils être aussi cyniques ? s’exclama l’archer. Ils prétendent que
la discipline est capitale, et puis ils s’enivrent en cachette !
— Si vous tirez cent flèches à la suite,
qu’arrivera-t-il à votre arc ? interrogea le plus âgé des moines.
— Il se brisera, répondit l’archer.
— Si quelqu’un va au-delà de ses propres limites, sa
volonté est pareillement brisée, expliqua le moine. Celui qui ne sait pas
équilibrer le travail et le repos perd son enthousiasme et ne peut pas aller
bien loin. »
UN ROI ENVOYA dans
un pays lointain un messager porteur d’une proposition de paix qui devait être
ratifiée. Voulant mettre à profit ce voyage, le messager en informa des amis à
lui qui traitaient des affaires importantes avec le pays en question. Ces
derniers lui demandèrent de patienter quelques jours et, en raison de l’accord
de paix, ils rédigèrent de nouveaux ordres et modifièrent leur stratégie
commerciale.
Quand le messager partit enfin, il était déjà trop tard pour
signer la paix ; la guerre éclata, détruisant les plans du roi et les
affaires des négociants qui avaient retardé le messager.
Le maître dit :
« Il n’y a qu’une seule chose importante dans nos
vies : vivre notre Légende Personnelle, la mission qui nous a été
destinée. Mais nous finissons toujours par nous encombrer de vaines
occupations, qui détruisent nos rêves. »
DANS LE PORT de
Sydney, le voyageur contemple le pont qui relie les deux parties de la ville
quand un Australien s’approche et lui demande de lui lire une annonce dans le
journal.
« Les lettres sont très petites, explique-t-il. J’ai
oublié mes lunettes à la maison et je ne parviens pas à les déchiffrer. »
Le voyageur non plus n’a pas ses lunettes sur lui. Il s’en
excuse auprès de l’homme.
«Alors il vaut mieux oublier cette annonce », remarque
l’Australien après une pause. Puis, comme il désire poursuivre la conversation,
il ajoute : « Il n’y a pas que nous deux, Dieu aussi a la vue
fatiguée. Ce n’est pas qu’il soit vieux, c’est qu’il a fait ce choix. Ainsi,
quand quelqu’un qui lui est très proche commet une faute, Il ne voit pas bien
clair. Et, par crainte d’être injuste, Il pardonne.
— Mais alors, qu’en est-il des bonnes actions ?
demande le voyageur.
— Eh bien, Dieu n’oublie jamais ses lunettes à la
maison », dit en riant l’Australien, avant de s’éloigner.
« EXISTE-T-IL
quelque chose de plus important que la prière ? » demanda le disciple
à son maître.
Le maître lui indiqua un arbuste tout près de là et lui
suggéra d’en couper une branche. L’autre obéit.
« L’arbre est-il toujours vivant ? interrogea le
maître.
— Aussi vivant qu’avant, assura le disciple.
— Alors, retournez près de l’arbuste et coupez la
racine.
— Mais si je fais cela, l’arbre va mourir.
— Les prières sont les branches de l’arbre, et sa
racine s’appelle la foi, répliqua le maître. La foi peut exister sans la
prière, mais la prière ne peut exister sans la foi. »
SAINTE THERESE
D’AVILA a écrit :
« Souvenez-vous : le Seigneur nous a tous invités
et, comme Il est la pure vérité, nous ne pouvons mettre en doute Son
invitation. Il a dit : Que viennent à moi ceux qui ont soif, et je leur
donnerai à boire.
« Si l’invitation n’avait pas été adressée à chacun
d’entre nous, le Seigneur aurait dit : Que viennent à moi tous ceux qui
le veulent, parce que vous n’avez rien à perdre. Mais je ne donnerai à boire
qu’à ceux qui sont prêts.
« Il n’impose pas de conditions. Il suffit de marcher
et de vouloir, et tous recevront l’Eau vive de Son amour. »
LES MOINES ZEN,
quand ils veulent méditer, s’assoient devant un rocher : « Maintenant
je vais attendre que ce rocher grandisse un peu », pensent-ils. Le maître
dit :
« Tout, autour de nous, change sans cesse. Chaque jour,
le soleil illumine un monde nouveau. Ce que nous appelons routine est rempli
d’occasions nouvelles, mais nous ne savons pas voir que chaque jour est
différent du précédent.
«Aujourd’hui, quelque part, un trésor vous attend. Ce peut
être un petit sourire, ce peut être une grande conquête, peu importe. La vie
est faite de petits et de grands miracles. Rien n’est ennuyeux, car tout change
constamment. L’ennui n’est pas dans le monde, mais dans la manière dont nous
voyons le monde.
« Comme l’a écrit le poète T. S. Eliot : Parcourir
les routes / rentrer à la maison / et voir tout comme si c’était la première
fois. »
Ô Marie conçue sans péché priez pour qui avons recours à
Vous Amen
[1] En français dans le texte.
Ñïàñèáî, ÷òî ñêà÷àëè êíèãó â áåñïëàòíîé ýëåêòðîííîé áèáëèîòåêå BooksCafe.Net
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