Toujours à Dunsinane. – Une autre partie de la plaine. Entre MACBETH.
MACBETH. – Ils m'ont attaché à un poteau; je ne peux fuir, mais, comme l'ours, il faut que je me batte à tout venant. Où est celui qui n'est pas né de femme? Voilà l'homme que je dois craindre, ou je n'en crains aucun.
(Entre le jeune Siward.)
LE JEUNE SIWARD. – Quel est ton nom?
MACBETH. – Tu seras enrayé de l'entendre.
LE JEUNE SIWARD. – Non, quand tu porterais un nom plus brûlant qu'aucun de ceux des enfers.
MACBETH. – Mon nom est Macbeth.
LE JEUNE SIWARD. – Le diable lui-même ne pourrait prononcer un nom plus odieux à mon oreille.
MACBETH. – Non, ni plus redoutable.
LE JEUNE SIWARD. – Tu mens, tyran abhorré: mon épée va prouver ton mensonge.
(Ils combattent. Le jeune Siward est tué.)
MACBETH. – Tu étais né de femme. Je me moque des épées; je me ris avec mépris de toute arme maniée par l'homme qui est né de femme.
(Il sort. – Alarme.)
(Rentre Macduff.)
MACDUFF. – C'est de ce côté que le bruit s'est fait entendre. Tyran, montre-toi! Si tu es tué sans avoir reçu un coup de ma main, les ombres de ma femme et de mes enfants ne cesseront de m'obséder. Je ne puis frapper sur de misérables Kernes, dont les bras sont loués pour porter leur lance. Ou toi, Macbeth, ou le tranchant de mon épée, demeuré inutile, rentrera dans le fourreau sans avoir frappé un seul coup. Tu dois être par là; ce grand cliquetis que j'entends semble annoncer un guerrier du premier rang. Fais-le moi trouver, Fortune, et je ne te demande plus rien.
(Il sort. – Alarme.)
(Entrent Malcolm et le vieux Siward.)
SIWARD. – Par ici, mon seigneur: le château s'est rendu sans efforts; les soldats du tyran se partagent entre nous et lui. Les nobles thanes font bravement leur devoir de guerriers. La journée s'est presque entièrement déclarée pour vous, et il reste peu de chose à faire.
MALCOLM. – Nous avons rencontré des ennemis qui frappaient à côté de nous.
SIWARD. – Entrons, seigneur, dans le château.
(Ils sortent. – Alarme.)
(Rentre Macbeth.)
MACBETH. – Pourquoi ferais-je ici sottement le Romain, et mourrais-je sur ma propre épée? Tant que je verrai devant moi des vies, les blessures y seront bien mieux placées.
(Rentre Macduff.)
MACDUFF. – Retourne, chien d'enfer, retourne.
MACBETH. – De tous les hommes tu es le seul que j'aie évité: va-t'en, mon âme est déjà trop chargée du sang des tiens.
MACDUFF. – Je n'ai rien à te dire, ma réponse est dans mon épée, misérable, plus sanguinaire qu'aucune parole ne pourrait l'exprimer.
(Ils combattent.)
MACBETH. – Tu perds ta peine. Tu pourrais aussi facilement imprimer sur l'air subtil le tranchant de ton épée que faire couler mon sang. Que ton fer tombe sur des têtes vulnérables: ma vie est sous un charme qui ne peut céder à un homme né de femme.
MACDUFF. – N'espère plus en ton charme, et que l'ange que tu as toujours servi t'apprenne que Macduff a été arraché avant le temps du sein de sa mère.
MACBETH. – Maudite soit la langue qui a prononcé ces paroles, car elle a subjugué la meilleure partie de moi-même! et que désormais on n'ajoute plus de foi à ces démons artificieux qui se jouent de nous par des paroles à double sens, qui tiennent leurs promesses à notre oreille en manquant à notre espoir. – Je ne veux point combattre avec toi.
MACDUFF. – Rends-toi donc, lâche, et vis pour être exposé aux regards de notre temps. Ton portrait, comme celui des monstres les plus rares, sera suspendu à un poteau; et au-dessous sera écrit: «C'est ici qu'on voit le tyran.»
MACBETH. – Je ne me rendrai point pour baiser la poussière devant les pas du jeune Malcolm, et pour être poussé à bout par les malédictions de la populace. Quoique la forêt de Birnam ait marché vers Dunsinane, et que je t'aie en tête, toi qui n'es pas né de femme, je tenterai un dernier effort. Je couvre mon corps de mon bouclier de guerre. Attaque-moi, Macduff: damné soit celui de nous deux qui criera le premier: «Arrête, c'est assez.»
(Ils sortent en combattant. Retraite. – Fanfares.)
(Rentrent, avec des enseignes et des tambours, Malcolm, le vieux Siward, Rosse, Lenox, Angus, Caithness, Menteith, soldats.)
MALCOLM. – Je voudrais que ceux de nos amis qui nous manquent fussent arrivés en sûreté.
SIWARD. – Il en faudra perdre quelques-uns. Cependant, par ceux que je vois ici, nous n'aurons pas acheté cher une si grande journée.
MALCOLM. – Macduff nous manque, ainsi que votre noble fils.
ROSSE,
à Siward. – Votre fils, monseigneur, a payé la dette d'un soldat: il n'a vécu que pour devenir un homme, et n'a pas eu plutôt prouvé sa valeur, par l'intrépidité de sa contenance dans le combat, qu'il est mort en homme.
SIWARD. – Il est donc mort?
ROSSE. – Oui, et on l'a emporté du champ de bataille. Votre affliction ne doit pas être mesurée sur son mérite, car alors elle n'aurait point de terme.
SIWARD. – A-t-il reçu ses blessures par devant?
ROSSE. – Oui, au front.
SIWARD. – Eh bien donc! qu'il devienne le soldat de Dieu! Eussé-je autant de fils que j'aide cheveux, je ne leur souhaiterais pas une plus belle mort: ainsi le glas est sonné pour lui.
MALCOLM. – Il mérite plus de regrets; c'est à moi à les lui rendre.
SIWARD. – Il a tout ce qu'il mérite: on dit qu'il est bien mort, et qu'il a payé ce qu'il devait. Ainsi, que Dieu soit avec lui! – (
Rentre Macduff, avec la tête de Macbeth à la main.) Voici de nouveaux sujets de joie.
MACDUFF. – Salut, roi, car tu l'es. Vois, je porte la tête maudite de l'usurpateur. Notre pays est libre. Je te vois entouré des perles de ton royaume: tous répètent mon hommage dans le fond de leurs cœurs. Que leurs voix s'unissent tout haut à la mienne: «Salut, roi d'Écosse!»
TOUS. – Roi d'Écosse, salut!
(Fanfares.)
MALCOLM. – Nous ne laisserons pas écouler beaucoup de temps avant de compter avec les services de votre zèle, et sans vous rendre ce que nous vous devons. Mes thanes et cousins, désormais soyez comtes, les premiers que jamais l'Écosse ait vus honorés de ce titre. Ce qui nous reste à faire, tous les actes nouveaux nécessités par la circonstance, comme le rappel de ceux de nos amis qui se sont exilés pour fuir les pièges de l'inquiète tyrannie; la recherche des cruels ministres de ce boucher défunt et de son infernale compagne qui, à ce qu'on croit, s'est détruite de ses propres mains; ces devoirs, et tous les autres qui nous regardent, avec le secours de la grâce, nous les exécuterons à mesure en temps et lieu. Je vous rends grâces à tous ensemble et à chacun en particulier, et je vous invite tous à venir nous voir couronner à Scone.
(Tous sortent au bruit des fanfares.)
Fin du cinquième et dernier acte.
(1605)
[1] Soldats d'infanterie, armés les premiers à la légère, les seconds d'armes pesantes.
[2] Chroniques de Hollinshed, édit. in-fol. de 1586, t. Ier, p. 168 et suiv., et pour ce qui concerne le meurtre du roi Duffe, p. 150 et suiv. C'est probablement des faits fournis par Hector Boèce à cette chronique que Buchanan, en rapportant beaucoup plus sommairement l'histoire de Macbeth, a dit:
Multa hic fabulose quidam nostrorum affingunt; sed quia theatris aut milesiis fabulis sunt aptiora quam historiae, ea omitto. (
Rerum Scot. Hist., t. VII.)
[3]Grimalkin, nom d'un vieux chat. Grimalkin est très-souvent, en Angleterre, le nom propre d'un chat.
[4]Paddock, espèce de gros crapaud. Les chats et les crapauds jouaient, comme on sait, un rôle très-important dans la sorcellerie.
[5] For to that
The multiplying villainies of nature,
Do swarm upon him.
M. Steevens explique
to that par
in addition to that (outre cela); je crois qu'il se trompe et que
to that signifie ici
pour cela. Le sergent, qui vient de combattre loyalement un rebelle, regarde le caractère du rebelle comme le plus monstrueux de tous, et comme l'assemblage de tous les vices de la nature. Dans la chronique d'Hollinshed, le rebelle porte le nom de Macdowald.
[6] Deux espèces de soldats, les premiers armés à la légère, les autres plus pesamment.
[7]Killing swine. C'était une des grandes occupations des sorcières de faire mourir les cochons de ceux qui leur avaient déplu d'une façon quelconque.
[8] La sorcière insulte ici la pauvreté de son ennemie qui vivait, disait-elle, des restes qu'on distribuait à la porte des couvents et des maisons opulentes.
[9] Lorsqu'une sorcière prenait la forme d'un animal, la queue lui manquait toujours, parce que, disait-on, il n'y a pas dans le corps humain de partie correspondante dont on puisse façonner une queue, comme on fait du nez le museau, des pieds et des mains les pattes, etc.
[10]The weird sisters. La chronique d'Hollinshed, en rapportant l'apparition des trois figures étranges qui prédirent à Macbeth sa future grandeur, dit que, d'après l'accomplissement de leurs prophéties, on fut généralement d'opinion que c'étaient ou
the weird sisters, «comme qui dirait les déesses de la destinée, ou quelques nymphes ou fées que leurs connaissances nécromantiques douaient de la science de prophétie.» Warburton les prend pour les
walkyries, nymphes du paradis d'Odin, chargées de conduire les âmes des morts et de verser à boire aux guerriers; et les fonctions que s'attribuent, dans leur chant magique, les sorcières de Shakspeare, étaient aussi, selon quelques auteurs, celles que la mythologie scandinave attribuait aux walkyries. Mais on oppose à cette opinion de Warburton, que les walkyries étaient très-belles, et ne peuvent être représentées par les sorcières de Shakspeare avec
leurs barbes; que, d'ailleurs, les walkyries étaient plus de trois, ce qui paraît être le nombre fixe des
weird sisters. Il y a lieu de croire que ces divinités avaient du rapport avec les Parques; et un ancien auteur anglais (Gawin Douglas), qui a donné une traduction de Virgile, y rend en effet le nom de
Parcæ par ceux
weird sisters, et on trouve le mot
wierd ou
weird employé dans le même sens par d'autres auteurs. D'autres en ont fait un substantif, et l'ont employé dans le sens de
prophétie, d'après la signification du mot anglo-saxon
wyrd, d'où il est dérivé. Ce qui paraît clair, c'est que Shakspeare, de même que dans
la Tempête, au lieu de s'astreindre à suivre exactement un système de mythologie, a réuni sur un même personnage les diverses attributions appartenant à des êtres d'ordres fort différents, et a présenté comme identiques les soeurs du destin (
weird sisters) et les
sorcières (witches) que la chronique d'Hollinshed distingue positivement, attribuant la première prédiction faite à Macbeth et à Banquo aux
weird sisters, tandis qu'elle attribue les prédictions subséquentes à
certains sorciers et
sorcières (
wizards et
witches), en qui Macbeth avait grande confiance, et qu'il consultait habituellement. Les
weird sisters étaient des êtres surnaturels, de véritables déesses qui ne se communiquaient aux mortels que par des apparitions, tandis que les sorciers et les sorcières étaient simplement des hommes et des femmes initiés dans les mystères diaboliques de la sorcellerie. Shakspeare a de plus subordonné ses sorcières à
Hécate, divinité du paganisme.
[11] Probablement la ciguë; on lui attribuait autrefois la propriété de troubler la raison.
[12] His wonders and his praises do contend
Which should be thine or his.
On a tâché de rendre ici exactement, mais sans espoir de la rendre clairement, une subtilité qui a d'autant plus embarrassé les commentateurs anglais, qu'ils ont voulu y trouver plus de sens qu'elle n'en a réellement. Shakspeare n'a prétendu dire autre chose, si ce n'est que Duncan ne savait s'il devait plus s'étonner des exploits de Macbeth ou l'en louer; en sorte que l'étonnement appartenant à Duncan, et les éloges à Macbeth, disputaient
which should be thine or his.
[13] Les commentateurs sont assez embarrassés à expliquer comment Macbeth, déjà thane de Glamis, par
la mort de Sinel, lors de la rencontre des sorcières, peut regarder le salut qu'elles lui ont donné sous ce premier titre comme une preuve de leur science surnaturelle. Le traducteur écossais de Boèce semble faire entendre que Sinel ne mourut qu'après cette rencontre. Hollinshed dit, au contraire, que Macbeth, par la mort de son père, venait d'entrer (
had lately entered) en possession du titre de thane de Glamis. C'est bien certainement la chronique d'Hollinshed que Shakspeare a suivie en ceci, comme dans tout le reste de la pièce; Macbeth, ayant soin de nous apprendre quel événement l'a rendu thane de Glamis, prouve clairement que la nouvelle en est si récente pour lui, que l'idée de ce titre ne lui est pas encore familière et ne se lie qu'à la circonstance qui l'en a rendu possesseur. Shakspeare a donc voulu indiquer un événement si nouveau que Macbeth peut s'étonner que des personnes qui lui sont étrangères en soient déjà instruites.
[14] By doing every thing
Safe toward your love and honour.
Les commentateurs ont voulu expliquer ce passage assez obscur par une subtilité qui le rendrait inintelligible. Toute la difficulté porte sur le sens du mot
safe, qui me paraît évidemment signifier ici
entier, complet, à l'abri du reproche.
[15] Nor keep peace between
The effect – and it.
Johnson regarde ce passage comme inintelligible, et veut substituer à
keep peace, keep pace, qui signifierait ici
intervenir, tandis que
keep pace signifie
marcher d'un pas égal avec, et, selon l'aveu même de Johnson, n'a jamais-été employé dans le sens qu'il veut lui donner.
Keep peace me paraît correspondre littéralement à notre expression française
faire trêve, qui présente ici le sens le plus naturel.
[16] We rest your hermits.
Hermit est pris ici pour
beadsman. Le
beadsman était, à ce qu'il paraît, un homme qui, sous certaines conditions, s'engageait à dire pour un autre un certain nombre de fois le chapelet (
beads). C'étaient probablement des ermites qu'on chargeait le plus souvent de ce soin.
[17] I have no spur
To prick the sides of my intent, but only
Vaulting ambition, which overleaps itself,
And falls on the other.
Les commentateurs se sont inutilement donné beaucoup de peine pour expliquer cette phrase; leur embarras est venu de ce qu'ils n'ont pas fait attention au sens du verbe
vault, qui signifie ici
voltiger,
faire des tours de force (
to make postures), d'où il résulte qu'au lieu de comparer, ainsi que l'a cru M. Steevens, son ambition à un cheval qui, se renversant sur lui-même, écrase son cavalier, Macbeth la représente comme un voltigeur (
vaulting ambition) qui, s'élançant et se retournant sur lui-même (
overleaps itself), retombe continuellement sur le dos de son cheval, et lui tient ainsi lieu d'éperon (
spur), pour le forcer à courir. L'image est ainsi parfaitement d'accord dans toutes ses parties; au lieu que, dans la signification supposée par M. Steevens, l'ambition, comme il le remarque lui-même, se trouverait jouer à la fois le rôle du cheval et celui de l'éperon. On est presque toujours sûr de se tromper lorsqu'on attribue à Shakspeare des images incohérentes; il a au contraire le défaut d'abandonner rarement une image ou une comparaison, avant de l'avoir épuisée sous tous ses aspects.
[18]Catus amat pisces, sed non vult tingere plantas. [19] Selon la chronique de Hollinshed, Banquo fut averti du projet de Macbeth, et promit de le soutenir; mais Jacques Ier (Jacques VI d'Écosse) régnait en Angleterre lors de la représentation de
Macbeth, et comme les Stuarts prétendaient descendre de Banquo, par Fleance, il était naturel que le poëte cherchât à dissimuler cette circonstance, faite pour diminuer l'intérêt qu'il s'est plu à répandre sur l'auteur de leur race. Fleance, selon la chronique d'Hollinshed, s'en fut en Écosse, où il fut très-bien accueilli par le roi, et si bien par la princesse sa fille, que celle-ci
poussa la courtoisie, dit la chronique,
jusqu'à souffrir qu'il lui fît un enfant (that she of courtsye in the end suffered him to get her with child). Cet enfant fut Walter, dont les grandes qualités regagnèrent ce que lui avait fait perdre la naissance; il finit par être nommé
lord steward d'Écosse (grand sénéchal), et chargé de percevoir les revenus de la couronne. Le quatrième descendant de ce Walter épousa la fille de Robert Bruce, et en eut un fils qui fut Robert II, roi d'Écosse. On voit encore à Inverness, dans les îles occidentales d'Écosse, les ruines du château de Macbeth, mais la chronique ne dit pas si ce fut là qu'il tua Duncan.
[20]Possets, boisson composée, en général, à ce qu'il parait, de lait et de vin, et qu'il était alors d'usage de prendre en se couchant.
[21] I'll gild the faces of the grooms withal
For it must seem their guilt.
Il est plus que probable que Shakspeare a voulu jouer ici sur les mots
gild et
guilt, dont la prononciation est la même. Mais tout effort pour rendre en français ce jeu de mots eût été inutile et eût gâté une admirable scène. On a pensé qu'il suffisait de l'indiquer.
[22]Equivocator. Warburton pense que par cette expression Shakspeare a positivement entendu un religieux, ou du moins un affilié de l'ordre des jésuites; mais toujours est-il certain qu'elle signifie précisément ce que nous entendons en français par
jésuite, doué d'un
esprit jésuitique.
[23] La plaisanterie porte sur ce que les hauts-de-chausses français paraissaient aux Anglais si étroits et si mesquins, qu'il fallait être doublement damnable pour trouver encore à rogner dessus.
[24] Most sacrilegious murder hath broke ope
The lord's anointed temple, and stole thence
The life o' the building.
The lord's anointed temple signifie en même temps ici
le temple oint de Dieu et
la tempe ointe du roi; dans l'impossibilité de rendre ce jeu de mots, il a fallu choisir, et l'on a pris des deux sens celui qui formait avec le reste de la phrase une image plus complète et plus suivie.
[25] Abréviation de Macduff.
[26]And so I commend you to their backs. C'est une manière de donner congé. Les phrases de politesse et de cérémonie abondent dans cette tragédie.
[27]The pit of Acheron Probablement quelque caverne que l'on supposait devoir communiquer avec l'enfer.
[28] Viens, viens;
Hécate; Hécate, viens, viens.
HÉCATE.
Je viens, je viens, je viens, je viens
Tout aussi vite que je puis.
Tout aussi vite que je puis.
Ce chant n'est indiqué dans l'original que par les deux premiers mots, comme un chant connu pour être d'usage en ces sortes d'occasions. On le trouve tout entier dans
la Sorcière de Middleton, pièce de théâtre composée, à ce qu'on croit, peu de temps avant
Macbeth. La même remarque s'applique, dans la scène VI, au chant qui termine le charme:
Esprits noirs et blancs, etc. Voyez, sur cela et sur une foule de détails relatifs aux croyances populaires que Shakspeare a employées dans
Macbeth, l'édition de Shakspeare, de M. Steevens.
[29] Ce fut, selon Hollinshed, pour ne s'être pas rendu en personne à Dunsinane, que Macbeth faisait bâtir. Dans les terreurs perpétuelles où le tenait le souvenir de ses crimes, il avait employé l'argent pris sur les nobles, qu'il faisait journellement périr, à s'entourer d'une garde mercenaire; mais, non content de cette précaution, il voulut faire élever sur la colline de Dunsinane un château capable de résister à toutes les attaques. L'entreprise traînant en longueur, à cause de la difficulté et de la dépense, il ordonna à tous les thanes d'y envoyer des matériaux et de s'y rendre chacun à son tour avec ses vassaux pour aider aux travaux. Quand vint le tour de Macduff, il y envoya ses gens avec les matériaux nécessaires, leur recommandant de se conduire de manière à ce que Macbeth ne pût avoir aucun prétexte pour s'irriter de ce qu'il n'était pas venu lui-même; mais il ne voulut pas s'y rendre, jugeant qu'il n'était pas sans danger pour lui de se mettre au pouvoir de Macbeth, qui lui voulait du mal; ce qu'ayant appris Macbeth, il s'écria: «Je vois bien que cet homme n'obéira jamais à mes ordres qu'on ne le monte avec une bride.» Il ne se détermina pourtant pas immédiatement à le poursuivre.
[30]Harper. On ne sait quel est ce
Harper ; il n'en est pas question dans la
Sorcière de Middleton; c'est probablement quelque animal que la sorcière désigne ainsi en raison de la ressemblance de son cri avec le son d'une corde de harpe.
[31] Shakspeare met souvent ainsi dans la bouche de ses sorcières des phrases interrompues auxquelles elles semblent attacher un sens complet. On peut le voir dans la première scène.
[32] Espèce de serpent.
[33]Impress, presser, forcer au service militaire.
[34] Allusion à la réunion des deux îles et des trois royaumes de la Grande-Bretagne, sous Jacques VI d'Écosse.
[35] When we hold rumour
From what we fear, yet know not what we fear.
But float upon a wild and violent sea,
Each way and move.
Les commentateurs me paraissent n'avoir pas compris ce passage; ils veulent entendre
hold dans le sens de
keep, tenir, tenir pour certain, et je crois qu'il doit être pris pour celui
catch, prendre, recevoir, comme prendre le mal,
catch the infection. Ainsi le sens sera:
nous recevons le bruit de ce que nous craignons sans savoir ce que nous craignons. Il a fallu rendre l'expression de cette pensée un peu moins littérale pour la rendre plus claire, ainsi qu'il arrive souvent en traduisant Shakspeare; mais elle me parait d'ailleurs entièrement d'accord avec la phrase suivante, encore imparfaitement comprise par les commentateurs, qui ne conçoivent pas qu'au mot
float Shakspeare ait ajouté
and move, «parce que, disent-ils, si nous flottons de tous côtés, il n'est pas nécessaire de nous apprendre que nous nous
mouvons (move).» Il est cependant certain qu'arrêtés par un bruit vague dont nous ne connaissons pas la source, et ne sachant pas de quel côté nous devons agir, nous ajoutons à l'incertitude des événements celle de nos propres volontés: c'est ce que Shakspeare a dû et voulu exprimer.
[36] And like goodmen
Bestride our down fall'n birthdom.
Les commentateurs ont voulu expliquer pur
birth right, droit de naissance, le mot de
birthdom, qui signifie, je crois, pays natal. Dans cette supposition, ils ont expliqué le mot
bestride par être à cheval, à la manière d'un homme qui met entre ses jambes, pour le défendre, l'objet qu'on veut lui enlever. Cette explication me paraît être forcée et nullement en rapport avec le reste du dialogue. – Malcolm parle de se retirer dans un coin pour pleurer; Macduff veut au contraire qu'il se rende dans son pays, et part de là pour lui décrire les maux de ce pays: cela est naturel.
[37] Wear thou thy wrongs,
Thy title is affeer'd.
Affeer'd est un terme de loi qui paraît signifier confirmer. Je pense, malgré l'opinion de la plupart des commentateurs, que Macduff s'adresse ici à Malcolm, et lui dit, pour lui reprocher sa lâcheté: «Subis tes injures, ton titre est consacré, tu y as droit.»
[38]Summer seeding lust.
[39] Les écrouelles.
[40]Modern ecstasy.
[41]He has no children! On est demeuré dans l'incertitude sur le sens de cette exclamation: quelques personnes pensent qu'elle s'adresse à Malcolm, dont les impuissantes consolations ne peuvent venir que d'un homme qui n'a pu connaître une pareille douleur; et il est certain qu'à l'appui de cette opinion vient ce qu'a dit lady Macbeth, dans le premier acte, du bonheur qu'elle a senti à allaiter son enfant; de plus, les chroniques d'Écosse parlent d'un fils de Macbeth, nommé Lulah, qui fut, après la mort de son père, couronné roi par quelques-uns de ses partisans, et fut ensuite tué quatre mois environ après la bataille de Dunsinane. Mais, d'un autre côté, il est clair que Macduff répond à Malcolm, et qu'il repousse ses consolations par l'impossibilité où il est de se venger sur un homme qui n'a pas d'enfants. Il faut remarquer d'ailleurs que rien dans la pièce n'a indiqué que Macbeth eût des enfants vivants, et que le désespoir avec lequel Macbeth apprend que des enfants de Banquo régneront après lui, ne parait pas porter sur l'idée de voir privé de la couronne un enfant déjà existant. Il ne dit point:
not my son, mais
no son of mine succeeding ; enfin, ce sens exprime un sentiment beaucoup plus profond, et c'est une raison pour croire que c'est celui de Shakspeare.
[42] La blancheur du foie passait pour une preuve de lâcheté.
[43] Cast
The water of my land.
Cast the water était alors l'expression anglaise pour
examiner les urines.
[44] And all our yesterdays have lighted fools
The way to dusty death.
To light se prend quelquefois pour
to lighten, alléger, et je crois que c'en est ici la signification. Les jours passés n'ont point
éclairé, mais
allégé ou
abrégé le chemin que nous avons à faire jusqu'à la mort. Les commentateurs ne paraissent pas l'avoir entendu dans ce sens.